Rwanda: Arrestation du Col Rugigana: un délit de parenté

ARRESTATION DU COLONEL RUGIGANA NGABO AU RWANDA

Un délit de parenté ?
 lundi 23 août 2010

Source: Le Pays

A Kigali, le mode opératoire est désormais bien huilé. Aux attaques à la grenade succèdent des arrestations d’officiers supérieurs de l’armée. Leurs signes particuliers, tous des anciens du maquis qui ont libéré le pays du régime extrémiste hutu. Le colonel Rugigana Ngabo vient d’être la dernière victime en date de ce scénario stalinien qui veut que la révolution bouffe ses enfants. C’est donc lui qui serait à l’origine des dernières attaques à la grenade qui ont secoué la capitale rwandaise, selon l’unité antiterroriste du régime de Kagamé. Il sera de ce fait inculpé pour acte de terrorisme, à moins que lui aussi arrive à s’échapper des griffes de Kagamé, comme son frère, l’ancien chef d’état-major de l’armée rwandaise, le général Faustin Kayumba Nyawasa, réfugié politique en Afrique du Sud et victime de tentatives d’assassinat. C’est ce lien de parenté qui donne une autre tournure à l’arrestation de ce colonel de l’armée. Paul Kagamé, si ce n’est pas encore la nuit des longs couteaux, a mis au point un plan diabolique de nettoyage de tous ceux qui représentent un quelconque danger pour son pouvoir. Ses anciens amis du maquis sont dans son viseur. Ils le savent. Mais pourquoi alors Rugigana Ngabo s’est-il laissé prendre aussi "bêtement". A-t-il oublié que le lien de parenté qui le lie à son frère de général en exil était un motif suffisant pour l’inquiéter ? Ou alors ne se reprochait-il rien, au point de se croire à l’abri de toute poursuite ? En tout cas, ceux qui peuvent servir de relais à l’action militaire ou politique de tous les chefs militaires en exil sont a priori des hommes à abattre. Personne n’est mieux placé que le colonel Rugigana Ngabo, officier supérieur de l’armée, pour savoir ce qui se passe au cœur du pouvoir à Kigali. Un pouvoir au sein duquel les ouvriers de la 25e heure sont en train d’éjecter progressivement les responsables militaires historiques du Front patriotique rwandais, avec la bénédiction du président Kagamé. Rugigana Ngabo a-t-il eu l’âme suicidaire ? A défaut de mettre la main sur le général Faustin Kayumba Nyawasa, il n’est pas exclu que Paul Kagamé ait voulu se contenter de son frère en attendant mieux. Mais quand donc s’arrêtera cette chasse aux sorcières ? Nul ne le sait pour le moment. Kagamé qui vient d’être élu avec un score à la soviétique de 93%, n’est donc pas pour autant aussi rassuré que cela pour dîner son naam (pouvoir, en langue mooré). Après l’arrestation du colonel Rugigana, n’importe quel ancien compagnon de lutte en disgrâce peut être désormais mis aux arrêts. Les motifs ne manqueront pas. Mais sans le savoir, le président Paul Kagamé est peut-être en train de constituer une colonne armée en exil. Toute chose qui ne présage rien de bon dans cette région des Grands lacs habituée à couver des rebellions de toutes sortes.

Abdoulaye TAO