L'ONU à genoux devant Kagame présumé génocidaire

BAN KI-MOON AU RWANDA

Comme à Canossa
  

Source: Le Pays, mercredi 8 septembre 2010

Après avoir remporté l’élection présidentielle de son pays qu’il a savamment organisée, avec un score à la soviétique et s’être confortablement ou du moins royalement installé dans son fauteuil pour un nouveau mandat de sept ans, et ce, en dépit du climat sociopolitique délétère, Paul Kagamé a de quoi être fier. Son investiture a rassemblé du beau monde et c’est à présent le Secrétaire général de l’ONU qui accourt à Kigali pour s’expliquer sur un rapport controversé. Un récent rapport de l’ONU de près de 600 pages, dont Le Monde a obtenu une version quasi définitive, décrit "les violations les plus graves des droits de l’Homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 en RDC". Ce qui a provoqué un véritable tollé à Kigali. Ce rapport détaille les massacres, viols et pillages commis par des militaires de plusieurs pays, notamment du Rwanda au cours des deux guerres qui se sont déroulées dans l’ex-Zaïre. Selon le Haut commissariat aux droits de l’Homme, l’ONU publiera ce rapport le 1er octobre prochain afin de permettre aux "Etat concernés" (Rwanda et République démocratique du Congo) de faire des commentaires qui seront ajoutés au document.

Les autorités rwandaises ont tenté à tout prix d’étouffer ce rapport, et, faisant flèche de tout bois,ont menacé de retirer leurs soldats des forces de maintien de la paix au Soudan. Le Secrétaire général de l’ONU avait demandé à Kigali de reconsidérer sa position pour ne pas menacer la stabilité dans la région. Toutes choses qui prouvent à suffisance que cette menace est tombée comme un couperet au siège de l’ONU, d’où cette visite surprise de son premier responsable. L’ONU est-elle en train de reculer ? En tout cas, Ban Ki-Moon a rencontré au cours de cette visite, le président rwandais, Paul Kagamé himself et le ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwako. Sans doute pour apaiser la colère des autorités de Kigali après la publication de ce rapport qu’elles jugent accablant. Le Sécretaire général, lui-même avoue être "déçu" par la fuite dudit rapport. Il est certainement gêné aux entournures ;si mal à l’aise qu’il se voit contraint d’aller à Canossa. On pourrait même se demander si, dans un souci de préserver les interêts des Occidentaux, cette visite du numéro un onusien n’est pas la résultante d’une pression de de leur part. De toute façon, les autorités rwandaises auront réussi leur coup à travers cette menace et elles ne peuvent que s’en féliciter. Et voilà la toute puissance de l’ONU prenant un coup à cause de ce petit mais "toxique" Rwanda, en passe de devenir l’Israël de l’Afrique. Les veritables perdants de ces conclaves politico-diplomatiques seront assurément les victimes. Pourtant, ces dernières, qui n’auront désormais que leurs yeux pour pleurer, avaient longtemps placé leur espoir en la justice internationale pour être réhabilitées. Que nenni ! Mais en attendant la publication de ce rapport dont le contenu pourrait être édulcoré, il sied de rappeler que l’impunité et l’injustice constituent un terreau fertile pour le terrorisme et les guerres civiles.

* Canossa : Village d’Italie (Emilie-Romagne). Le futur empereur germanique, Henri IV, y fit amende honorable devant le pape Grégoire VII (janvier 1077), d’où l’expression aller à Canossa qui signifie s’humilier devant son adversaire.

Boundi OUOBA