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 Editions Sources du Nil  : Livres sur le Rwanda, Burundi, RDCongo

Joseph Kabila: la Belgique doit exiger "le retrait destroupes d'agression du Congo"

21 Mars 2011 , Rédigé par Editions Sources du Nil Publié dans #Actualités

Il y a dix ans

Joseph Kabila : « Il faut que la Belgique, à travers l’U.E., exige le retrait total des troupes d’agression du Congo. Cette exigence, c’est plus que l’argent pour les populations meurtries du Congo »

Nicaise Kibel Bel Oka, Les Coulisses n°225-226

Nous trouvant à Dar-es-Saalam à la tripartite Congo – Tanzanie – Uganda, nous avons tout fait pour arracher cette interview. Joseph Kabila, président de la République Démocratique du Congo, nous reçoit accompagné de M. Kikaya, son ministre de l’information. En 50 minutes dans une atmosphère détendue, nous faisons le tour d’horizon du paysage socio-économico-politique de notre pays. Joseph Kabila parle bien le français et nous laisse une forte impression de quelqu’un qui maîtrise la situation. En près de 6 mois de pouvoir, il doit avoir beaucoup appris et bien appris. Cet honneur d’être le premier Journal congolais à arracher cette interview du Chef de l’Etat prouve que l’on doit compter avec « Les Coulisses » ou se faire enterrer. Ci-contre tout l’entretien avec Joseph  comme aiment l’appeler les Kinois.

 

Les Coulisses : M. Le Président de la République, vous avez déclaré à la descente de l’avion à l’aéroport de Dar-es-Saalam que « j’espère quelque chose de cette rencontre avec le Président Museveni ». En sortez-vous satisfait ou déçu ?

 

Président Joseph Kabila : Nous avons obtenu la promesse de se retirer de notre pays de la part du président Museveni. Et il doit le faire par ce qu’il n’a plus de raison sécuritaire à présenter comme alibi. Personnellement, je m’attendais à ce qu’il nous donne un planning de ce retrait comme quoi à telle date, à tel jour, il n’y aura plus un seul soldat ougandais  en RDC. Dommage !

Ça a été pour nous deux la première occasion. J’espère qu’il y aura une évolution positive significative. Enfin, on a abordé d’autres sujets d’actualité.

 

Les Coulisses : M. Le Président de la République, d’autres sujets d’actualité comme le Burundi par exemple ! Mais comment expliquer que vous soyez médiateur dans un pays qui a agressé le vôtre ? C’est compliqué, non !

 

Président Joseph Kabila : Ce n’est pas qu’on joue vraiment à la médiation. Mzee Laurent Désiré Kabila avait, en son temps, essayé de les mettre autour d’une table (les Hutu et Tutsi burundais) pour qu’il y ait la paix. Voyez-vous ces gens exportent leurs querelles et les conflits qui les déchirent chez-nous. Or, si la paix règne à Bujumbura, il n’existerait plus des réfugiés burundais au Congo tout comme leur armée ne saurait trouver d’astuces pour piller et massacrer les populations congolaises.

 

Les Coulisses : Va-t-il de même pour le Rwanda ?

 

Président Joseph Kabila : Mais ce sont des agresseurs au même titre que les Burundais et les Ougandais. Il n’y a pas de raison que tous restent chez-nous. J’insiste toujours sur une vérité historique selon laquelle : « la sécurité commence toujours chez-soi, à l’intérieur de sa maison avant de voir chez le voisin ».

Voyez, nous parlons aujourd’hui du dialogue inter congolais, tout naturellement, on devait parler aussi du dialogue inter rwandais. Il n’existe pas au Rwanda. Or, c’est la solution au conflit Hutu – Tutsi après le génocide de 1994. Ils ne l’ont jamais fait et le régime actuel ne trouve pas d’opportunité à le faire. Il tient toujours à se mêler des affaires du voisin.

 

Les Coulisses : M. Le Président de la République, la majorité silencieuse surtout des territoires libérés trouvent qu’on ne doit pas aller au dialogue tant que les troupes d’agression sont encore sur notre territoire. Or, le Rwanda, l’Ouganda disent vouloir aider à stabiliser la RDC. Qu’en pensez-vous ?

 

Président Joseph Kabila : Je partage l’avis de nos populations en territoires occupés (il faut corriger, ces territoires sont sous occupation des armées étrangères) à cent pour cent. Je ne suis pas d’accord avec le Rwanda et l’Ouganda. Ils ne sont pas stables et comment ils peuvent stabiliser le voisin ? On ne le dit pas assez. La situation est encore plus grave chez-eux. L’image qu’on donne de notre pays est trop négative. Nos populations résistent malgré tout à 3 ans de guerre injuste.

 

Les Coulisses : M. Le Président de la République, quel genre de relations entretenez-vous avec le Congo Brazzaville et la République Centre Afrique ?

 

Président Joseph Kabila : Nous avons des relations très bonnes avec le Congo Brazzaville en dépit de rumeurs. Il existe une bonne coordination entre nos deux forces armées à travers une patrouille mixte à nos frontières.

On devait le faire à trois avec la R.C.A. Dommage ! Le Président Ange Félix Patassé m’a envoyé une délégation pour discuter de la coopération bilatérale. Depuis toujours, aucun Congolais n’était allé les déranger (les Centrafricains). C’est Jean-Pierre Bemba avec son aventurisme qui est allé s’y mêler. Et là, ils ont pillé et saccagé comme ils le font en professionnels en RDC.

 

Les Coulisses : La Belgique que votre gouvernement a reçue à Kinshasa assume depuis dimanche 1er juillet 2001 la présidence de l’Union Européenne. Quelle recommandation vous lui avez faite et qu’attendez-vous d’elle ?

 

Président Joseph Kabila : D’abord la paix. Il faut que la Belgique, à travers l’Union européenne, exige le retrait total des troupes d’agression du Congo si elle veut réellement nous aider. Cette exigence, c’est plus que l’argent pour les populations meurtries du Congo.

On ne peut pas et en aucun cas comparer la paix avec l’argent et les vies humaines. De la Belgique, nous leur demandons de tout mettre en œuvre pour que les pays de l’Union européenne soient de vrais partenaires à ce qui concerne la reconstruction de notre cher pays. Mais avant tout, il nous revient à nous-mêmes les Congolais d’en prendre conscience. Les pays amis vont seulement appuyer les efforts du gouvernement.

 

Politique intérieure et nationale

 

Les Coulisses : M. Le Chef de l’Etat, votre gouvernement vient de recevoir de l’aide et des dons de la Banque mondiale, de la Belgique … L’opposition congolaise craint qu’ils soient détournés. Les craintes se justifient-elles ?

 

Président Joseph Kabila : Personne ne va détourner l’argent. La révolution du 17 mai est venue balayer un régime corrompu, ces gens qui se proclament des opposants aujourd’hui. Vous savez bien qu’est-ce qu’ils ont fait de ce pays et dans quel état ils l’ont laissé ! Je vous garantis que personne ne va détourner cet argent même pas le gouvernement. Mon vœu est que le peuple soit intéressé et impliqué dans la gestion de ces fonds. Car, ces fonds lui appartiennent.

 

Les Coulisses : M. Le Chef de l’Etat, comment le ferez-vous dès lors que la Cour Comptes, la plus haute institution chargée de contrôle des finances et du patrimoine de l’Etat et censée accompagnée les efforts du gouvernement, a été expressément négligée mieux repose au cimetière ?

 

Président Joseph Kabila : La Cour de Comptes est en voie d’être réhabilitée. Dans les 50 millions de dollars U$ de l’aide nous octroyés, il est prévu qu’on réhabilite ces institutions avec l’appui de la Banque mondiale. D’ici à octobre 2001, les choses vont redevenir claires avec la Cour de Compte.

 

Les Coulisses : Il s’est tenu la conférence nationale sur les droits de l’homme. M. Le Chef de l’Etat, on continue à vous accuser d’en violer régulièrement et d’enrôler les enfants dans l’armée. N’est-ce pas là anti-nomique ?

 

Président Joseph Kabila : C’est le gouvernement qui a convoqué cette conférence dans le but de voir et faire le bilan de la situation des droits de l’homme en RDC. Il existe des résolutions adoptées. Si nous l’avons fait, ce n’est pas parce que nous sommes accusés. La situation des droits de l’homme dans l’espace contrôlé par le gouvernement s’améliore davantage. C’est pourquoi le gouvernement a pris cette décision. Malgré le rapport sur les droits de l’homme, nous avions instruit de les inviter qu’ils viennent sur le terrain au lieu de rester dans leur bureau à attendre de recevoir les rapports des personnes pessimistes qui n’on que cela comme moyen de survie. Amnesty International avait été invité mais il n’a pas répondu.

Quant aux enfants soldats, le gouvernement a pris la décision de les démobiliser et de les réinsérer dans leurs familles respectives. On a mis fin à leur recrutement et leur entraînement depuis 1999 sauf à l’Est où les agresseurs continuent à les recruter et les armer. Pour nous, la démobilisation va ensemble avec la réinsertion des enfants soldats. Nous sommes déterminés à améliorer la situation de nos populations, c’est pour les protéger.

 

Les Coulisses : M. Le Chef de l’Etat, les élections, vous y croyez et comptez-vous vous y représenter demain s’elles sont organisées ?

 

Président Joseph Kabila : Les élections, j’y crois beaucoup et fermement. Je disais d’ailleurs avec quelqu’un qu’au dialogue inter congolais, on devrait dire : «  … Monsieur, demain les élections ! … ». Car, il faut donner cette chance au peuple de poser et imposer la loi. Si je dois me représenter, c’est le peuple congolais qui va décider le moment venu. Ce qui est beaucoup plus important pour l’instant, c’est le retour à la paix. C’est capital pour notre pays et nos populations.

 

Les Coulisses : M. Le Président, avez-vous peur des alliances qui se nouent entre les politiciens de l’opposition non armée et les rebelles ?

 

Président Joseph Kabila : Il faut que le peuple congolais n’oublie pas que depuis 37 ans, une clique de gens se sont partagés le pouvoir au détriment du peuple et du pays. Cette fois-ci, le pouvoir appartient au peuple congolais. C’est pourquoi ces alliances qui se créent en excluant le peuple congolais continuent cette habitude de privilégier les intérêts égoïstes des politiciens véreux. Peut-on avoir peur des alliances entre l’opposition et la rébellion ? Non. La vraie alliance, c’est avec le peuple. Ceux-là n’ont pas besoin du peuple dans leur complot. Nous, la vraie alliance, nous la faisons déjà avec le peuple.

 

Les Coulisses : M. Le Chef de l’Etat, certaines voix proposent que le dialogue inter congolais se tienne à Kisangani, ville martyre. Etes-vous de cet avis ?

 

Président Joseph Kabila : Kisangani, c’est moi qui ai proposé et j’ai exigé la démilitarisation complète de Kisangani pour aller au dialogue inter congolais et donner la chance à cette population de s’exprimer. Il faut que Kisangani soit démilitarisé complètement. Car, ce qu’on appelle l’administration du RCD, c’est en réalité l’administration rwandaise.

 

Les Coulisses : M. Le Chef de l’Etat, de plus en plus les Congolais exigent l’institution d’un T.P.I. (tribunal pénal international). Quelle est votre réaction sur le rapport des experts de l’ONU sur le pillage de la RDC et êtes-vous favorable pour l’érection d’un T.P.I.C. ?

 

Président Joseph Kabila : D’abord, le rapport des experts de l’ONU sur le pillage de la RDC est bon. Même s’il y a eu des pressions pour effacer beaucoup de noms de gens concernés dans les pillages. La présidente du Groupe a eu des menaces sérieuses de la part des pillards et a dû démissionner. Voyez le paradoxe. Même les Nations Unies sont incapables de protéger leurs fonctionnaires. Quant au TPI/RDC, nous en avions parlé la première fois à Bruxelles devant des compatriotes congolais. Au Rwanda, le génocide de 1994 a fait 800 mille morts. En RDCongo, c’est 3 millions de morts. Comprenez que ça sera justice pour que tous ces compatriotes reposent en paix. Il faut traduire tout ce monde  qui a commis des assassinats à Shabunda, Kamituga, Makobola, Ituri, Beni – Butembo, en justice. Nous exigeons que cela se passe ainsi.

 

Les Coulisses : M. Le Chef de l’Etat, il y a un discours sur la réconciliation qui semble faire oublier la responsabilité des uns et des autres. Vous êtes minoritaires ?

 

Président Joseph Kabila : Nous ne sommes pas minoritaires, le peuple et nous. Bien sûr que pour ceux qui crient et veulent Réconciliation avant Justice, nous leur répondons Justice avant Réconciliation pour qu’on sache qui a fait quoi.  Ceux-là qui ont pillé et continuent de piller doivent répondre de leurs actes. Et ceux qui tuent et continuent de tuer doivent s’attendre à se justifier.

 

Les Coulisses : M. Le Chef de l’Etat, il y a une résistance des Congolais des territoires libérés. Ils sont aussi des Congolais. Pensez-vous à eux et quel message vous leur adressez à travers leur journal ?

 

Président Joseph Kabila : Territoires occupés S.V.P. Nos compatriotes de territoires occupés sont avec nous dans nos prières, dans nos cœurs. Chaque jour, j’évoque cette question. Et 24 heures ne passent pas sans que nous puissions parler d’eux. Ils ont notre appui moral. Je les invite et exhorte à continuer à résister contre l’agression comme les Chinois face aux Japonais, les Français contre les Allemands, les Sud’africains contre les Beers … Un jour ensemble, on sera capable de libérer notre pays et son peuple sous les bottes des Rwandais, des Ougandais et des Burundais. C’est parce que nos populations de l’Est ont résisté que nous avons encore le Congo. Cette résistance doit être multipliée par dix, vingt et cent fois. Chaque fois que le besoin se fait sentir.

 

Les Coulisses : M. Le Président de la République, au nom de toute notre Rédaction, le journal Les Coulisses vous remercie de lui avoir accordé ce temps pour ses nombreux lecteurs.

 

Président Joseph Kabila : C’est moi qui vous remercie surtout pour la qualité de votre journal et du travail abattu. Merci encore une fois.

Interview accordée à Nicaise Kibel’Bel Oka

State House (République de Tanzanie)

Dar-es-Saalam 4 juillet 2001

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