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 Editions Sources du Nil  : Livres sur le Rwanda, Burundi, RDCongo

2001-2011: les promesses tenues et non tenues de Joseph Kabila

21 Mars 2011 , Rédigé par Editions Sources du Nil Publié dans #Actualités

Source: Les Coulisses n°225-226

 

4 juillet 2001 – 2011

Le seul journal Congolais à avoir interviewé Joseph Kabila

Les Coulisses analyse cette interview 10 ans après.

Promesse tenues et non tenues

Il y a de cela dix ans depuis que le président de la république, Joseph Kabila accordait une interview, sa première et unique interview à un journal congolais, au journal Les Coulisses.

Il recevait le Directeur – Editeur Nicaise Kibel’Bel Oka en présence de l’ambassadeur Kikaya bin Kanubi. Joseph Kabila avait à peine 6 mois au pouvoir.

Dix ans après, la Rédaction du journal Les Coulisses revisite cette interview à travers une lecture critique pour dégager l’évolution de la pensée et de l’action du jeune président de la république d’alors (de 6 mois) aujourd’hui totalisant dix ans aux commandes de la nation congolaise.

Les circonstances de temps et de lieu sont celles de la guerre et du dépeçage de la RDC mais également de l’appel du pied à l’unité et à l’intégrité du pays.

Nous en dégageons sept thèmes clés que nous passons au peigne fin. Ces sept thèmes sont :

a)      Retrait total des troupes étrangères de la RDCongo

b)      Lutte contre la corruption incarnée par le régime Mobutiste

c)      Les droits de l’homme

d)      Alliance (communion) avec le peuple

e)      Elections à organiser donc la démocratie

f)        Justice et lutte contre l’impunité

g)      Sort des populations de l’Est occupé

 

·        Du retrait des troupes d’agression du territoire  national. Objectif difficilement réalisable que Joseph Kabila a pu atteindre non sans sueur. Le retrait des troupes étrangères notamment de l’armée rwandaise a été un processus dur et rude qui a fait couler du sang des Congolais. Cet objectif a été atteint après des négociations et accords même si la complexité des problèmes des Grands Lacs appelle à la vigilance. Officiellement les troupes de Paul Kagame sont sorties de nos frontières et sont revenues sur la demande du gouvernement pour enfin retourner chez-eux. Le climat de ni paix ni guerre qui a abouti au rétablissement des relations diplomatiques avec nos voisins est un signe de triomphe pour Joseph Kabila.

·        De la lutte contre la corruption incarnée par les Mobutistes. Au nom de la réconciliation nationale, il a été imposé à Joseph Kabila depuis le dialogue inter congolais d’ouvrir son pouvoir à tous les Congolais. Depuis, Joseph Kabila, faisant face à des jongleurs en politique, a raté cet objectif capital. Il n’a pas réussi cet objectif. Wamba dia Wamba s’était confronté au même problème : fallait-il ou non ouvrir le RCD aux Mobutistes alors qu’on luttait contre le système ? Comme on dit, à coucher dans la porcherie, on se salit. Le régime Kabila se trouve noyé, plongé dans le bourbier de la corruption. Un bon chirurgien ne travaille qu’avec son équipe dans des conditions garanties parce qu’il y contrôle soi-même toutes les procédures. Malheureusement, Kabila s’est fait entourer des personnes incarnant un système qui a ruiné le pays.

·        Les droits de l’homme.

Dans un pays aussi vaste qu’un continent où des groupes armés et des milices font la loi, parler respect des droits de l’homme paraît utopique. Surtout que la bonne foi du pouvoir Kabila a été mise à rude épreuve avec des assassinats des journalistes et défenseurs des droits de l’homme. Bien plus, l’Est du pays est surnommé, à tort ou à raison, la capitale de violence sexuelle le ventre mou de la région des Grands Lacs.

Bref, comme pour la lutte contre la corruption, il y a échec dans ce domaine.

·        Alliance/Communion avec le peuple.

Au regard des élections de 2006, Joseph Kabila était adulé par le peuple congolais surtout dans l’Est du pays. Sa nature et son aura y ont beaucoup contribué. Ce pari, il l’avait réussi même si actuellement sa côté de popularité s’étiole plus à cause de son entourage que de lui-même. A ce jour, Joseph Kabila est accusé de ne pas être dur et exigeant envers son entourage et les membres de son gouvernement. Il risque de payer cher cet attentisme qui l’éloigne davantage du peuple. Toutefois, cette alliance avec le peuple garde encore ses atouts pour perdurer : ces alliances qui se créent en excluant le peuple continuent cette habitude de privilégier les intérêts égoïstes. La vraie alliance, c’est avec le peuple, nous déclarait-il. Le peuple saura-t-il faire la différence entre Joseph Kabila et le système ?

·        Les élections

Voilà le pari que Joseph Kabila a tenu et a réussi : les élections, j’y crois beaucoup et fermement. Car il faut donner cette chance au peuple. Pour une fois depuis 1960, les élections libres ont été organisées en RDCongo et les institutions démocratiques installées.

·        Justice et lutte contre l’impunité.

Ce volet n’a pas produit des résultats escomptés malgré quelques timides tendances telles « kuluna en cravate, Tolérance zéro ». L’impunité héritée du régime Mobutu a été aggravée et consacrée. Ici, le vice répond au vice.

Notre justice est inadaptée aux réalités de la vie moderne et, partant moins compétitive, lourde à se réveiller.

Là, il faut beaucoup d’efforts, de détermination et un état d’esprit d’un combattant pour vaincre cette gangrène qu’est le couple corruption – impunité. Elle a commencé par le sommet et a atteint la base. Les régies financières, les services de l’Etat et l’appareil judiciaire sont gravement atteints. Elle a engendré le pillage et le détournement de soldes sans état d’âme. Un échec patent.

·        Sort des populations de l’Est du Congo.

Le bonheur réside dans la sécurité, dit-on. Joseph Kabila animé de bonne foi pour aider les populations de l’Est à retrouver le sourire, doit faire face à la sécurité du citoyen et en même temps à celle de l’Etat contre les voisins remuants. La complexité des problèmes de l’Est complique tous ses rêves. Comment procéder quand on est à la tête d’un gouvernement noyauté politiquement et militairement et inféodé ?

Le charme avec le peuple n’étant pas rompu, Joseph Kabila peut profiter de ses défaites en retournant la situation à son profit. Néanmoins il peut se targuer d’avoir réussi la réunification du pays.

·        Bonus : l’armée. Aucun Etat ne peut se passer de l’armée et des services de renseignements. Joseph Kabila avait été piégé par les Occidentaux et l’Afrique du Sud depuis les accords de Lusaka et le dialogue inter congolais dans la formation de l’armée nationale. Aux Fac, on lui a enjoint des hommes en armes de tous les horizons souvent n’ayant pour seul atout que savoir tiré une balle. Ce qui fait que l’on avance en reculant. Tous les chefs rebelles congolais sont responsables de cet échec. Au RCD/Goma, la majorité des effectifs était rwandophone. Elle est toujours au Kivu. Dans le territoire géré par le RCD/K-ML, outre les militaires de l’APC, on comptait une dizaine de milices Maï Maï. En Ituri, les milices armées s’affrontaient dans une guerre identitaire. Le MLC avait des ex-Faz fatigués. Toutes ces « armées » ont été données en cadeau à Joseph Kabila pour que la RDC ne se remette pas débout. L’échec de Kabila est l’échec de tous les Congolais.

Si Joseph Kabila était seul, politiquement vierge au moment de l’interview de 50 minutes avec Nicaise Kibel’Bel Oka, dix ans après, ce n’est peut-être pas les mêmes fréquentations. D’où la question : qui ont été les chevilles ouvrières de tout ce système Kabila ? Le système Kabila existe-il ou c’est le prolongement du système Mobutu ?

Joseph Kabila a toujours rêvé d’être un grand stabilisateur et grand restaurateur, celui qui ramènerait l’unité d’un pays déchiré par des guerres et qui le reconstruirait. Mais, il faut commencer par le commencement : le changement. Par changement, il faut procéder au changement radical de la mentalité qui octroie une grande place au raccourcie, tout avoir sans le moindre effort. Ce changement concerne aussi bien la classe politique que la population dans la remise en cause de notre nature même de Congolais.

Ne faites plus de promesse que vous ne pourriez tenir, tenez toujours celles que vous avez faites. Rien n’est encore perdu.

La Rédaction

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