Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
 Editions Sources du Nil  : Livres sur le Rwanda, Burundi, RDCongo

Rwanda: la censure des médias

15 Juin 2009 , Rédigé par Editions Sources du Nil Publié dans #Liberté de la presse

14 juin 2009

Rwanda: Censure - Ces médias qui inquiètent le pouvoir à Kigali

Sous le prétexte de l'unité nationale, toute critique au gouvernement est rapidement réprimée.

Les Rwandais de l'intérieur et ceux de la diaspora regretteront pour longtemps cette émission qui traitait des problèmes du "pays des mille collines" en Kinyarwanda (langue nationale) sur les émetteurs de Bbc Afrique. "Imvo n'Imvano" (Le fond des problèmes) est une émission hebdomadaire que cette radio britannique présentait par des journalistes rwandais. Ces journalistes auraient fait intervenir dans une des éditions des panélistes qui auraient alors tenu des propos "susceptibles d'entraver les efforts d'unité et de réconciliation nationale", pour reprendre les propos de Louise Mushikiwabo, ministre de l'Information dans l'annonce qui justifiait la suspension de cette émission. L'annonce gouvernementale fut faite en langue locale sur les antennes de Radio Rwanda, le 24 avril dernier. Les propos incriminés étaient attribués à Faustin Twagiramungu, opposant politique au régime du Fpr.


Interrogé, cet ancien premier ministre de la transition de 1990 affirma qu'en sa qualité de Hutu, il ne lui arriverait "jamais de s'incliner devant les Tutsi pour implorer un pardon" pour soit disant une quelconque implication de son ethnie dans le génocide de 1994. Exilé en Belgique, Faustin Twagiramungu fut candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2004 face à Paul Kagame qui rafla plus de 99% des voix dans un pays pourtant à majorité hutu. Le perdant qualifia alors cette consultation de "truquée". Un autre intervenant que Radio Rwanda n'a pas identifié, a déclaré que les corps de Rwandais échoués sur les rives du Lac Victoria pendant le génocide étaient ceux des Hutu tués par la rébellion du Front patriotique rwandais (Fpr) actuellement au pouvoir. Cet ensemble de propos a provoqué le colère des autorités de Kigali ; elles ont décidé la fermeture de la radio britannique sur l'ensemble du territoire national. Le cas de la Bbc n'est pas un cas isolé, plusieurs autres médias et journalistes ont fait les frais de leur liberté de ton. Le fait d'aller à l'encontre du discours dominant au Rwanda est un crime sévèrement réprimé.


Emprisonné pendant 14 ans, Dominique Makeli, ancien journaliste à la station publique de Radio Rwanda a retrouvé sa liberté le 13 octobre 2008, acquitté par un tribunal populaire, les Gacaca du district de Nyarugenge (Kigali). En mai 1994, il avait "couvert" une apparition de la Vierge Marie à Kibeho (Butare) et rapporté sa supposée déclaration selon laquelle : "Le parent est au ciel". Le procureur de la République avait retenu contre Dominique Makeli le chef d'accusation d' "incitation au génocide" Toujours selon le procureur, "le parent est au ciel" peut être interprétée par la population comme un soutien de Dieu à l'ancien président Habyarimana qui fut tué le 6 avril 1994 et dont l'assassinat fut le prétexte au déclenchement des tueries ; par extension, cette phrase pourrait aussi signifier un retour à la politique d'extermination des Tutsis. Chroniqueur à Radio Rwanda, Dominique Makeli écopera de 14 ans d'emprisonnement pour une citation dont il niera les diverses interprétations qui furent faites à propos jusqu'au jour de sa libération.


Par ailleurs, Agnès Nkusi Uwimana, directrice du bimensuel privé Umurabyo, a été arrêtée le 12 janvier 2008. Elle était accusée de "divisionnisme", "sectarisme" et de "diffamation". Umurabyo, l'une des rares publications critiques paraissant à Kigali, avait été au centre d'une polémique pour avoir publié un article dans lequel était écrit: "Celui qui tue un Tutsi a des problèmes, mais celui qui tue un Hutu est libre".


La presse gouvernementale a également fait preuve d'agressivité envers certains médias, notamment la radio publique américaine Voice of America (Voa). Un journaliste de l'hebdomadaire public Imvaho Nshya, a même demandé, lors d'une conférence de presse, le 2 février 2008, la fermeture de Voa, accusée de favoriser l'opposition rwandaise.


Après avoir expulsé sans explications la correspondante de la station publique française Radio France Internationale (Rfi), Sonia Rolley, en juin 2006, le gouvernement rwandais avait ordonné la fermeture de l'émetteur de la chaîne française, en novembre, après avoir rompu ses relations diplomatiques avec Paris. Des troubles qui survinrent après l'émission de mandats d'arrêt internationaux contre le chef de l'Etat Kagame et huit de ses proches par le juge français antiterroriste Jean Louis Bruguière au mois de novembre 2006. La réaction de Kigali sonnait comme la réponse du berger à la bergère.


Le 19 août 2008, la ministre rwandaise de l'Information Louise Mushikiwabo a accusé la Bbc et Voa de vouloir "détruire l'unité des Rwandais" à travers leurs programmes en Kinyarwanda et en Kirundi. La ministre déplorait que les Occidentaux ne comprennent pas le contenu de ces émissions présentées par des journalistes rwandais. Bien que le gouvernement s'en défende, la presse indépendante rwandaise est contrainte de vivre sous de fortes pressions du sommet de l'Etat.

Source: http://www.irinnews.org/fr

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article