Rwanda-élections : Une écrasante victoire saluée par un feu d’artifice sanglant
Billet d'humeur d'Eugène Shimamungu (Newsletter n°32)
Le Rwanda a déjà vécu, avant les élections qui viennent de se produire ce 9 août, une période de grenades qui explosaient dans la ville de Kigali peu de temps après l’arrivée de Victoire Ingabire à Kigali au mois de janvier 2010. Depuis le mois de mai, il y avait une sorte de « trêve des grenades », qui a laissé place aux assassinats politiques dont l’un contre Kayumba Nyamwasa a raté, mais deux autres, l’un contre le journaliste Rugambage qui a reçu quatre balles dans la tête, et la décapitation du Vice-président des Verts, ont été parfaitement exécutés. On aurait pu penser que cette période de violences est révolue puisque Paul Kagame a été « réélu » massivement, ou a pu se faire réélire grâce à l’intimidation préélectorale et des fraudes massives. Mais voilà, il nous remet le plat. Bien entendu le soir de son élection, il y a eu des feux d’artifice pour fêter l’« intsinzi » (la victoire), mais le lendemain un autre genre de feu d’artifice particulier, plus habituel pour les Kigalois, a explosé faisant au moins un mort et une vingtaine de blessés. L'on va certainement accuser l’opposition ou encore les généraux exilés de semer encore une fois la pagaille mais comme disait Faustin Twagiramungu ancien premier Ministre en exil, soit c’est Kagame qui est derrière ces grenades, soit il est incapable d’assurer la sécurité. Tout porte à penser cependant qu’il s’agit d’une manœuvre de plus pour pouvoir justifier l’incarcération des opposants comme Bernard Ntaganda, Déo Mushayidi et la mise en résidence surveillée de Victoire Ingabire. La surenchère de la violence sans aucun enjeu, alimentée par le pouvoir de Kigali, tend à faire penser que les opposants sous les verrous pourraient disparaître du jour au lendemain dans une gigantesque scène de prestidigitation meurtrière.
Kagame réélu, « What else ? »
Après les violences préélectorales qui ont conduit les Rwandais de gré ou de force à élire Paul Kagame, le boucher de Kigali a juré de ne pas leur laisser la paix. Cette grenade qui a explosé à la gare routière, en est la preuve. La première mission c’est
d’anéantir physiquement l’opposition : d’ici sept ans, on pourrait dire que le dictateur a le temps, mais il est pressé, tellement qu’il confond les caisses de cartouches de feux d’artifice
pour célébrer sa « victoire » et celles des grenades. Il fait tout exploser en même temps !
On dirait même qu’il s’en fout de ce que pourrait penser la communauté internationale, de son score stalinien, du musèlement de la presse, de la persécution et de la liquidation des journalistes et des opposants. Il l’a démontré en mai dernier lors de l’incarcération de l’avocat Peter Erlinder. Mais tout le monde guette comment va se passer son prochain voyage aux Etats-Unis. Car il ne peut pas ne pas s’y rendre, même si lors de sa dernière visite, il a dû quitter précipitamment suite à une plainte déposée par Peter Erlinder, toujours lui, contre le dictateur. Depuis les choses se sont accumulées, Zapatero, le premier ministre d’Espagne (pardon, le président) a refusé de serrer la main du diable incarné sur terre. Y’aura-t-il une autre autorité, européenne ou d’ailleurs, pour refuser de serrer la main de Paul Kagame ? L’on sait déjà Barack Obama, réticent de l’accueillir à la Maison Blanche ! C’est quelle destination, la première visite de Paul Kagame après les élections ? En dehors de l’Afrique, faisons le pari sur l’Angleterre ! James Cameron n’hésitera pas à l’accueillir ! Ne parlons pas de la reine Elisabeth ! Elle en sera ravie. Elle a déjà serré la main d’Idi Amin Dada !
Au lendemain des élections, l’on n’a pas entendu de télégramme de félicitations pour le président « réélu » ! Ni de ses homologues africains ou est-africains, ni d’autres présidents en dehors de l’Afrique, même pas de la Chine ! Le boucher de Kigali serait-il un pestiféré ? Evidemment l’Union européenne, sans valider les résultats, s’est félicitée que cette élection se soit passée dans le calme (il n’était qu’apparent) ! Allez savoir si le calme suffit pour qu’une élection soit valide. Les électeurs rwandais avaient-ils le choix ? Ils étaient surveillés par des hommes armés jusque dans les urnes. De toute façon, ça n’aurait servi à rien, ni de manifester, ni de ne pas aller voter, puisque les urnes remplies n’ont pas été ceux qui ont été décomptées. L'on se demande d'ailleurs pourquoi Kagame a fait un tel boucan préélectoral, sachant très bien que les urnes seront trafiquées avec une telle facilité, comme d'hab! L’UE n’a pas envoyé d’observateurs cette fois-ci pour ne pas se ridiculiser, comme lors de l’élection de 2003, en validant des résultats qui manifestement avaient été fraudés. L’UE a néanmoins payé les frais d’une élection dont les résultats étaient connus d’avance. Le candidat lui-même avait commencé d’organiser les cérémonies d’investiture avant la fin de l’élection. Nous serons fixés au vu du nombre d’invités présidentiels qui se présenteront à la cérémonie d’investiture.
Eugène Shimamungu