Et si la partition du Soudan était une catastrophe régionale ?
Source: Les Coulisses n°228 Spécial 30 juin 2011
Le Sud Soudan qui sera bientôt un Etat indépendant le 193ème Etat membres des Nations Unies, le 1er juillet 2011, traverse une période qu'on pourrait nommer de
douleur d'accouchement. A voir comment les Anglo-Saxons se débattent à son chevet et se soucient du sort du nouvel Etat, le Congolais devrait avoir des raisons sérieuses de
s'inquiéter.
D'abord parce que le Sud Soudant partage une frontière commune avec l'actuel Congo utile, en proie à une insécurité généralisée et à la situation de non Etat. Le
Congo utile désigne la portion de l'espace nationale qui est convoitée par l'impérialisme à cause de ses ressources en vedette sur le marché mondial.
Le Kivu, l'Ituri et les Uélé constituent actuellement ce Congo utile à cause du boom sans précédent provoqué par l'extraction du colombo de tantale (coltan), la
cassitérite, le niobium, l'or mais aussi par la soif du pétrole du Graben Albertine.
Ensuite, il s'observe un appétit sans précédent pour les richesses du Sud Soudan et le désir d'y accéder à bas prix comme aussi pour le Congo.
Et si c'est l'urgence d'une exploitation pétrolière qui a conduit à l'éclatement du Soudan, la soif du pétrole et de toutes les autres matières premières pourraient
amener, mutatis mutandis, l'éclatement de la RDCongo. Car, par sa géographie, les réserves en brut du Graben Albertine seraient faciles à exploiter mais également à transporter jusqu'au port de
Mombasa. Cela avait d'ailleurs fait l'objet de la tripartite Museveni – Kabila – Mwaï Kibaki à Entebbe le 12 mai 2011. C'est ce qui explique aussi en partie la sollicitude des Etats-Unis à
s'intéresser de l'Est du Congo.
Des comparaisons fortuites !
Le Soudan, c'est le plus grand pays d'Afrique comme la RDCongo qui est un sous continent. Il partage avec la RDCongo les eaux du Nil.
Pour amener la paix, il a fallu sacrifier John Garang comme avec l'Angola Savimbi. Mieux pour balkaniser, il fallait sacrifier Laurent-Désiré Kabila. Car, on peut
tout dire, avec la situation de non Etat, le Congo reste toujours une maison en flammes quitte à intéresser les sapeurs-pompiers.
Une frontière, ça se soigne. La nôtre est laissée à la merci des Ougandais (UPDF et LRA) et des Soudanais (SPLA).
Ici, la grande politique et le business font bon ménage. Car, aveuglé par la haine du régime islamiste de Khartoum, Washington a préféré financer et armer la
rébellion sudiste. A une dimension plus politique du règlement du conflit soudanais pour des solutions durables, Washington a opté pour l'éclatement du Soudan. Avec des réserves estimées à 3
milliards de barils, le Soudan représente un important fournisseur du brut pour les oïl men.
Mais aux dires de certains analystes, la partition du Soudan serait une catastrophe régionale si elle amène des effets d'entraînement. Elle ne saurait éviter des
affrontements fratricides qui se déroulent autour de El-Obeid et ne saurait mettre fin au conflit (aujourd’hui oublié) du Darfour. On se souvient de toutes les thèses professées comme remède à la
violence et à l'insécurité qui se déferlent sur la RDCongo notamment les voies et moyens d'établir ou de rétablir une paix durable dans la région des Grands Lacs consistent à revoir
nécessairement les tracés des frontières des Etats actuels et les reconstituer sur base des affinités ethniques tenant compte notamment des aspects génériques, culturels et morphologiques. On se
souviendra enfin de la demande de l'organisation d'un référendum de l'autodétermination en 1981 par des leaders hutu aux Nations Unies pour Goma et la région de Rutshuru. Il nous faut lire les
signes du temps ou consulter l'oracle.
Mathias Ikem