Rwanda: des leçons à tirer de l'exercice du pouvoir judiciaire par l'autorité coloniale
Rwanda
Des leçons à tirer de l’exercice du pouvoir judiciaire par l’autorité coloniale (novembre 1959 - avril 1960)
Par Dr. Phil. Innocent Nsengimana
Introduction
La lecture objective de la période coloniale au Rwanda en général et des faits historiques liés à la révolution rwandaise de novembre 1959 en particulier, nous met en présence des acteurs qui furent responsables des événements qui plongent leurs racines dans cette révolution et qui marquèrent un tournant décisif dans l’évolution sociopolitique du Rwanda. Le colonisateur n’a pas agi seul ; la coresponsabilité des rwandais antagonistes y est très claire. Cet état de faits se laisse voir à travers les jugements prononcés par l’institution judiciaire qui a siégé de novembre 1959 jusqu’en avril 1960.
En effet, le phénomène colonial par lequel la plupart des sociétés africaines sont entrées en contact avec l’Occident au courant du XIXème siècle s’est manifesté dans divers domaines de leur vécu quotidien et sous de multiples formes. Même si les apologistes de ce phénomène, comme le français Jules Ferry, lui ont conféré une « mission civilisatrice"[1], il faut bien noter que dans beaucoup de régions, il fut synonyme de prédation, de désintégration des sociétés africaines et de dévastation à travers, entre autres, les guerres de conquête baptisées guerres de "pacification" qui furent particulièrement meurtrières.
Puisant sa légitimité dans le racisme scientifique en vogue en Europe au XIXème siècle, le phénomène colonial fut un véritable catalyseur de divisions raciales au sein des populations colonisées, parmi lesquelles les colonisateurs ont catégorisé et identifié des races supérieures et inférieures. Dans certaines contrées, les « civilisateurs » choisirent comme interlocuteurs politiques ceux qu’ils étiquetèrent comme appartenant à des races supérieures pour administrer les territoires à « civiliser ». Ils les portèrent au pouvoir, les soutinrent dans des expéditions contre leurs opposants contribuant ainsi à l’extension de leur pouvoir. Avec eux, ils créèrent des alliances de domination et d’exploitation vis-à-vis de ceux qu’ils considérèrent comme constituant des races inférieures. (Lire la suite sur le fichier ci-attaché)
[1] S’adressant à la Chambre des députés en 1884, Jules Ferry disait : "Si nous avons le droit d'aller chez ces barbares, c'est parce que nous avons le devoir de les civiliser. […] Il ne faut pas les traiter en égaux, mais se placer au point de vue d'une race supérieure qui conquiert". (Voir www.survie-france.org, La France coloniale d’hier et d’aujourd’hui, Octobre 2006, p. 11. )