Conquête du Rwanda par le FPR/NRA: Bagaza paie, Nkurunziza se fait rembourser en fournitures scolaires
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Extrait de: Noël Ndanyuzwe, 2014, La guerre mondiale africaine, la conspiration anglo-américaine pour un génocide au Rwanda. Enquête dans les archives de l'armée nationale ougandaise, Éditions Sources du Nil. Vous pouvez le commander en ligne sur le site, ou chez votre libraire (Prix 20 euros +Frais postaux).
1.9. Connexion entre J.B. Bagaza et Y.K. Museveni
Il était de notoriété publique que l’ancien Président burundais J.B. Bagaza[1] nourrissait une forte inimitié non seulement contre l’Eglise catholique, mais aussi contre les Présidents Mobutu du Zaïre et Habyarimana du Rwanda. Par solidarité avec ses frères Tutsis et pour sortir de son isolement dans la région, il va accorder une aide substantielle au guérillero Y.K. Museveni. Appartenant tous les deux à l'ethnie Bahima apparentée aux Tutsis, ils partagent l’idéologie raciste de l'Institut Havila qui prône la réunification des « tribus perdues d’Israël » pour former l'Empire des Tutsis-hébreux sur la terre sacrée de Havila (la région des Grands Lacs africains qui englobera 11 pays)[2]. La victoire militaire du maquisard Y.K. Museveni, le 26 janvier 1986, est le premier succès de la guerre de libération régionale des « tribus perdues d'Israël » prétendument opprimées par les Hutus apparentés aux Bantous.
Avant de retourner à Kampala en provenance du Rwanda au début du mois de Novembre 1986, le président Y.K. Museveni effectua une autre visite chez son vieil ami et président J.B.Bagaza pour lui remercier de son aide. À propos de cette aide initiale, voilà les révélations faites par le journal Burundi News du 16 mai 2007:
Tout commence par la guerre de Museveni pour la prise du pouvoir contre Obote. L’ancien Président Bagaza a beaucoup aidé Museveni. Les tenues militaires et les chaussures destinées à l’armée burundaise allaient directement dans les maquis au profit des rebelles de Museveni. La bière de Bujumbura allait aussi dans les maquis. Le tout constituait un prêt d’un montant de 8 millions de dollars. L’Ouganda de Museveni doit au Burundi une créance de 8 millions et si on ajoute les intérêts, on arrive à 14 millions de dollars ».
De cette guérilla ougandaise soutenue par le président Bagaza P. Kagame en faisait partie. Il y avait déjà au préalable le soutien du président tanzanien J.K. Nyerere et certainement celui du président rwandais J. Habyarimana. Ce dernier ne pensait pas être sur la liste des prochaines victimes après M.Obote qui le mettait pourtant en garde contre son erreur stratégique fatalement irrémédiable. En septembre 1987, l'homme fort du Burundi fut renversé par un coup d’État et se réfugia en Ouganda où il est rentré dans le giron d’une alliance hostile à la région francophone comme conseiller de Museveni en matière de stratégie militaire.
De l’aide fournie aux rebelles par le Président Bagaza, celui qui l’a renversé, Pierre Buyoya put récupérer 500.000,00 $US. Le virement fut effectué sur un compte d’une Banque burundaise BRB, précise le journal Burundi News du 8 mars 2011. Ce journal souligne que le cabinet d’avocats ougandais Sendege a signé un contrat de recouvrement avec le Président Ntibantunganya, le 12 juillet 1995, et qu’à l'arrivée de Pierre Nkurunziza au pouvoir, le dossier a été relancé. L’Ouganda a payé mais l'argent n'est jamais arrivé sur un compte au Burundi, a-t-il conclu. Cette dette fut effacée d’un coup de baguette magique par le Président Nkurunziza au cours d’une visite en Ouganda. Il conclut avec l’Ouganda un contrat très louche de fourniture de matériel scolaire (cahiers) sous forme de dons pour cinq ans contre l’annulation de la dette ougandaise. Les cahiers ne sont pas évalués financièrement alors que la dette et les intérêts sont évalués à 14 millions de dollars.
L’idée farfelue de remboursement de la dette ougandaise par un don de cahiers invendus pour cinq ans au Burundi est l’œuvre d’un Indien qui travaille en Ouganda et avec lequel le Président Museveni est associé dans une société « Picfare Industries LTD » exerçant l’activité d’imprimerie. Cette société est souvent impliquée dans beaucoup de dossiers de marchés publics illégaux du gouvernement burundais. L’idée lui est venue de rembourser la dette de l’Ouganda par des cahiers invendus et d’autres productions des années à venir pour maintenir le rythme de travail de cette imprimerie. Tandis que le Parlement ougandais a convoqué en sa session de décembre 2011 le Ministre ougandais des finances pour s’expliquer sur le fondement légal du remboursement de cette dette contractée par un rebelle pour renverser un gouvernement élu démocratiquement. L’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME) du Burundi avait lui-même adressé, le 9 mars 2011, une lettre au Président Nkurunziza lui demandant de recouvrer cette dette sur laquelle subsistent plusieurs zones d’ombre comme l’indique ladite lettre[3] :
L’OLUCOME a suivi avec intérêt le dossier se rapportant sur la dette de l’Ouganda envers le Burundi, la dette contractée à l’époque de la deuxième république du Burundi.
Et d’ajouter:
Sur base de ces données administratives à notre disposition, l’OLUCOME demande ainsi que toute la somme de 15.336.619 $US, soit 18.403.942.800 FBU revienne dans le trésor public sans aucune condition.
En guise de conclusion, il y est indiqué que :
(…) de toute façon, l’OLUCOME attend toujours avec impatience que vous pourriez éclaircir ce dossier de la dette de l’Ouganda envers le Burundi quitte à ce que cette somme de 18.403.942.800 FBU soit remise au trésor public. L’OLUCOME voudrait également vous demander, dans le sens de trouver toute véracité qui serait liée à ce dossier, de commanditer un audit international pour pouvoir mettre la lumière sur ce dossier.
La thèse de la relation entre cette dette et les coups d’Etats successifs au Burundi est également défendable. En 1987 et 1997, J.B. Bagaza fuit à deux reprises à Kampala après le coup d’État de P. Buyoya, le premier à découvrir le pot aux roses et à exiger le remboursement immédiat de cette dette au Trésor public burundais. Après la défaite de P. Buyoya aux élections démocratiques, le président vainqueur, M. Ndadaye, emboîta le pas à son prédécesseur pour exiger le remboursement de cette dette. Le président Y.K. Museveni le fit assassiner le 23 septembre 1993. Son successeur C. Ntaryamira subira le même sort, assassiné le 6 avril 1994 dans le même avion que le président J. Habyarimana. Le président P. Nkurunziza tira son épingle du jeu. Il s’arrangea avec son débiteur pour maquiller la dette en un don controversé de cahiers.
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[1] Né le 26 aout 1946, Jean Baptiste Bagaza est arrivé au pouvoir le 1er novembre 1976 à l’issue d’un coup d’Etat contre Michel Micombero qui avait renversé la monarchie multiséculaire en 1966. Il fuit son pays à deux reprises : en 1987, après le renversement de son gouvernement par Pierre Buyoya. Il fut contraint à l’exil en Ouganda et l’accès du territoire lui fut interdit. Il ne rentra qu’après les élections démocratiques qui consacrèrent la victoire de Melchior Ndadaye, premier président hutu du Burundi. Il fonda le parti PARENA. En 1997, après le retour au pouvoir du même Buyoya, il reprit le chemin de l’exil vers l’Ouganda. Il est rentré en 2002 pour devenir sénateur à vie, fonction réservée à tous les anciens présidents burundais encore en vie. En 2010, il est chargé de la gestion des conflits électoraux par le président de la Commission de l’Union Africaine, Jean PING, et réside à Addis-Abeba, en Ethiopie, avec sa famille.
[2]Eric Kennes (article déjà cité).
[3] La copie de la lettre porte référence est Réf 072/OLUCOME/03/2011 est à notre disposition.