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 Editions Sources du Nil  : Livres sur le Rwanda, Burundi, RDCongo

Rwanda : en dépit des mutuelles, les pauvres ne peuvent pas se faire soigner

6 Juillet 2012 , Rédigé par Editions Sources du Nil Publié dans #Ressources et environnement

(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Au Rwanda, avoir une mutuelle de santé n'est pas une garantie pour être soignés. Il faut encore pouvoir payer 10% du coût des soins. Les plus démunis qui n'en ont pas les moyens se tournent vers les médecins traditionnels ou l'automédication.

Tous les malades ne se permettent plus d’appeler le 912, numéro gratuit du Service d'aide médicale d'urgence (Samu), au Rwanda lancé en 2009 pour prendre en charge rapidement les personnes accidentées ou gravement malades. L'engouement des premiers temps a aujourd'hui disparu. En effet, depuis début 2011, ceux qui sollicitent l'intervention du Samu doivent d’abord prouver qu’ils sont capables de payer les frais de transport et les premiers soins.
Avant de dépêcher une ambulance médicalisée, le standard explique donc les coûts à payer. Un malade ou son accompagnateur doit s’acquitter d’abord de 10% du coût des kilomètres parcourus par le véhicule, soit 40 Frw par kilomètre et du coût des soins donnés lors du trajet. "Quand j’ai appelé l’ambulance pour secourir mon fils qui venait de se brûler tout le corps, on m’a dit que je dois d’abord payer 2600 Frw (4,30$), dont 800 Frw pour l’ambulance et le reste pour les premiers soins. J’ai abandonné car je savais qu’à l’hôpital je devais aussi payer presque la même somme avant qu'il soit soigné", témoigne un villageois de Kabuga, à 20 km de Kigali. Pour lui, "la première préoccupation du Samu comme des hôpitaux publics n’est pas la prise en charge des urgences mais seulement l’argent". D’après le rapport annuel de 2010 du ministère de la Santé, chaque hôpital de district a pourtant au moins trois ambulances médicalisées.

Il faut tout payer
Une fois à l’hôpital, après consultation, le patient doit acheter tout le matériel nécessaire aux examens, soins et même opérations : seringues, gants, compresses, désinfectants, sérum et même bistouris… Là aussi il paye 10% des coûts. "Même en cas d’opération, tout le matériel doit être fourni par le patient. Si celui-ci n’est pas en mesure de l’acheter, il ne peut pas avoir d'examens médicaux, encore moins de médicaments", affirme un garde-malade au centre hospitalier universitaire de Kigali. "Les malades non accompagnés sont obligés de faire des va et vient entre les guichets de la mutuelle et des pharmacies pour chercher les papiers nécessaires et les médicaments. Se soigner dans les formations sanitaires publiques reste un parcours du combattant", explique-t-il.
Depuis mi-2011, les cotisations annuelles de l’assurance maladie pour les villageois ont été revues à la hausse passant de 1000 Frw par personne à 7000 Frw, 3000 Frw et 2000 Frw suivant les catégories établies en fonction des revenus de chacun. L'assuré doit en outre payer le ticket modérateur, soit 10% du coût total des prestations. "Une famille de six personnes classée dans la deuxième catégorie doit s’acquitter annuellement de 18 000 Frw (30 $). Il est quasiment impossible pour les villageois de payer en plus le ticket modérateur", constate un infirmier de Bugesera à l'est du pays. Les mutuelles ne fonctionnent que dans les structures publiques, les assurés ne sont pas reçus dans les établissements privés. Mais il y a souvent des ruptures de stock de médicaments dans les pharmacies publiques obligeant les patients à en prendre le coût en charge seuls.
En outre, suivant la gravité de sa maladie, le patient doit franchir les différentes étapes des formations sanitaires, du centre de santé à l'hôpital de référence en passant par un hôpital intermédiaire. Pour aller dans les hôpitaux, souvent en ville, les gens doivent payer le transport et le logement. "Quand on m'a transféré à Kabgayi [au sud du pays, Ndlr] pour consulter un médecin à la suite d'un accident de l’œil de mon fils, j'ai dû vendre toute la moisson de l’année, car je devais me payer tout alors que je ne connais personne dans cette région", se résigne Kantarama, une villageoise de Rwamagana, Est du pays.


Limiter les pertes
"En 2010, les hôpitaux ont perdu d’énormes sommes que des sections des mutuelles de la santé n’ont pas remboursées", remarque un responsable d’un centre de santé de la province du Sud. D’après lui, "de nombreux affiliés recevaient des soins médicaux et après s’avéraient incapables de payer". Pour limiter ces pertes, les autorités ont décidé que tout service devait être payé d'avance. Certains établissements vont même jusqu'à renvoyer les accidentés incapables de déposer une caution à l'arrivée. "Cette obligation décourage les gens et les pousse à aller voir les médecins traditionnels ou à pratiquer l'automédication, explique un activiste des droits de la personne de Kigali. Mieux vaut augmenter les cotisations au lieu de taxer les villageois qui ont souvent des difficultés à avoir de l’argent liquide."

Fanny Kaneza

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