Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
 Editions Sources du Nil  : Livres sur le Rwanda, Burundi, RDCongo

Retour sur l'article de C. Braeckman: Qui a tué Habyarimana?

10 Février 2010 , Rédigé par Editions Sources du Nil Publié dans #Attentat contre J.Habyarimana

Une leçon de désinformation.

Paul Antheunissens

Quatre ans après l’ordonnance du juge français Bruguière accusant formellement des membres du Front Patriotique Rwandais (FPR) d’avoir abattu le 6 avril 1994 à 20h30 l’avion Falcon ramenant de Tanzanie à Kigali les présidents du Rwanda et du Burundi et leur suite, une commission d’enquête rwandaise remet sur la table la thèse d’un attentat commis par des « extrémistes hutu ». Il est étonnant que l’attentat du 6 avril, élément déclencheur du génocide, n’ait pas fait l’objet d’une enquête internationale comme c’est le cas pour tout autre accident d’aviation dans le monde. Le gouvernement intérimaire rwandais l’avait demandée en vain au général Dallaire, commandant la MINUAR (Mission des Nations-Unies d’Assistance au Rwanda) qui parlait, lui, d’un malheureux accident. La commission sénatoriale d’enquête belge de 1996-1997 l’avait demandée  aux Nations Unies. Peu de temps après sa constitution, en fin 1994, le TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda) d’Arusha a entamé une enquête au sujet de la responsabilité des « extrémistes hutu » dans cet attentat. Mais comme les recherches mettaient en cause la responsabilité du FPR, les Nations Unies décidèrent de faire l’embargo et le juriste australien, qui avait entamé l’enquête, fut remercié ainsi que son team. Certaines de ses découvertes ont été reprises ensuite par le juge français anti-terroriste Bruguière, agissant à la demande des familles des membres d’équipage  français tués lors de l’attentat.

Pendant une dizaine d’années, Kagame ne s’est pas préoccupé de cet attentat qui l’avait porté au pouvoir, en déclenchant un génocide. Quelques minutes après la chute de l’avion, le FPR avait diffusé dans son réseau radio des messages de félicitations au commando responsable de l’attentat et avait salué la mort d’Habyarimana comme un triomphe qui allait permettre la victoire finale.  Kagame, lui-même en parlait librement. En 2004, par exemple, lors d’une interview à l’émission « Hard Talk » de la BBC, le journaliste lui disait : « Vous n’aviez aucun droit de tuer ce président ». Il répondait : «Nous étions des militaires. C’était la guerre. Si je ne l’avais pas fait, c’est lui qui m’aurait tué ! ».

En 2006, l’ordonnance du juge Bruguière le força à réagir. Tout d’abord en rompant les relations diplomatiques du Rwanda avec la France. Ensuite, en mettant sur pied deux commissions d’enquête. La première, présidée par Jean de Dieu Mucyo, analysait l’implication de l’état français dans le génocide, en particulier lors de l’opération  Turquoise   de juin à août 1994. Le libellé de sa mission n’était pas heureux, pas plus que sa  présidence confiée à l’ancien procureur général puis ministre de la justice Mucyo. Le professeur Guichaoua, témoin expert au TPIR,  rappela qu’à la fin de la guerre, en juillet 1994, l’intéressé, alors engagé volontaire au FPR, était rentré dans sa colline Mbazi près de Butare, au moment où se déroulait  une noce de hutus. Cela lui parut insupportable et il avait abattu une vingtaine de convives, en tuant sept. Dès la publication du rapport en août 2008, le gouvernement français rejeta en bloc les accusations de génocide, de formation de génocidaires, de viols etc. et déclara que la commission n’avait aucune légitimité en la matière.

La seconde commission, présidée par Jean Mutzinzi, président de la Cour africaine des Droits de l’Homme, s’est efforcée de démontrer la responsabilité des ‘extrémistes hutu’ dans l’attentat : c’est un document de 200 pages plus des annexes techniques, qui a paru en décembre 2009. Colette Braeckman (CB), journaliste engagée pro-FPR, en a eu la primeur avec quelques autres inconditionnels de Kagame, comme Jean-François Dupaquier.  Priée d’approuver ce document, elle a écrit dans LE SOIR qu’il  « s’en dégage un sentiment d’évidence , aussi bien en ce qui concerne les motifs de la liquidation du président que les modalités d’exécution de l’attentat ». [1]

En fait, le document n’apporte que quelques éléments neufs. Il s’efforce, par des enquêtes ‘balistiques’ et de nouveaux  témoignages (quinze ans après !)  d’ébranler les certitudes de 1994 : deux missiles avaient été tirés  de la colline de Masaka, environ 1,5 Km à l’Est de la piste, sur l’avion Falcon en approche d’atterrissage. L’un avait fait exploser l’avion qui était tombé dans la propriété du président en bord de piste. CB elle-même, dans son livre  « Rwanda, Histoire d’un Génocide »[2] cite à plusieurs reprises cette colline et, de manière plus précise, la ferme près de laquelle  sont partis les tirs. L’endroit n’est pas désert. La colline était habitée comme toutes celles du  Rwanda et de nombreuses personnes avaient  alors livré  des témoignages spontanés.  La commission affirme aujourd’hui que le tir n’est pas parti de Masaka mais du camp Kanombe que CB attribue erronément à la Garde Présidentielle[3] mais qui était occupé alors par le Bataillon Para-Commando et le Bataillon Anti-Aérien.  La commission  affirme aussi que le FPR ne disposait pas de missiles sol-air, alors que, selon elle, les Forces Armées Rwandaises (FAR) en possédaient. Les patientes enquêtes de Bruguière avaient pourtant démontré la présence de SAM16 dans l’arsenal du FPR et l’utilisation de deux d’entre eux lors de l’attentat. De tels missiles avaient aussi été utilisés précédemment dans la destruction de deux hélicoptères et d’un avion de liaison des FAR. En outre, des témoins de Bruguière, soumis à du chantage, ont retiré leur déposition. Il faut noter que, dans une dictature, il est aisé de faire dire n’importe quoi à des témoins, surtout s’ils sont fragilisés ; s’ils sont, par exemple, d’anciens militaires craignant pour eux-mêmes et leur famille.

En grande majorité, les réactions à l’enquête parues sur le Net sont négatives, parfois hilares (‘Kagame made a fool of himself !’). Le professeur Reyntjens  s’est livré à une analyse méticuleuse du document, y relevant de multiples contradictions pour conclure qu’il ne prouve rien et qu’il ne met pas sérieusement en doute le travail du juge Bruguière. Il note que ses auteurs ne se réfèrent qu’avec prudence aux analyses balistiques effectuées par des experts anglais parce que celles-ci sont sujettes à caution. La carcasse de l’avion, restée sur place pendant plus de 15 ans, a été cannibalisée, volontairement ou non, et des parties entières, même à l’extérieur, ont disparu. Les membres de la commission ne se font probablement aucune illusion sur la valeur de leur travail. Mais ce rapport pourrait retarder l’application de l’ordonnance du juge Bruguière. L’avocat belge Bernard Maingain, défendant les intérêts de Rose Kabuye, mise en cause par l’ordonnance, se propose en effet de  remettre aux magistrats français  qui ont succédé à Bruguière, aujourd’hui retraité, un volumineux dossier, reprenant le rapport d’enquête, les enregistrements d’interrogatoires de plus de 500 témoins et les invitant à en prendre connaissance.  CB connaît bien Maingain, qui, en mai 1992, avec d’autres collègues,  invita à Bruxelles dans les locaux  du sénat, les délégués des nouveaux partis rwandais ainsi que du FPR pour confectionner, avec l’aide d’’amis belges’, une répartition des pouvoirs ne laissant aucune chance à Habyarimana ni à son ancien parti unique, le MRND.  Cette démarche a torpillé les accords d’Arusha, en provoquant une scission des nouveaux partis rwandais. Bien sûr, CB en était, ce qu’elle rappelle dans son livre « Rwanda, Histoire d’un Génocide » (p.125)

Renommée pour sa connaissance de l’Afrique Centrale, CB est une excellente journaliste lorsqu’elle n’est pas engagée dans une cause. A partir de 1990, sous les conseils de Jean Gol, alors président du parti libéral, elle entreprit de diaboliser Habyarimana et  sa ‘dictature cléricale’, en utilisant les procédés classiques de la désinformation. Ses lecteurs se  souviendront, par exemple, des escadrons de la mort, du réseau zéro, des intérêts supposés d’Habyarimana et de sa famille dans  la culture du cannabis dans la forêt de Nyungwe, dans la chasse aux gorilles pour les revendre aux jardins zoologiques, dans le trafic d’armes etc. Ces bobards en provenance du FPR, souvent entièrement inventés,  contribuèrent  à affaiblir considérablement  le dictateur au moment où il s’efforçait d’introduire la démocratie au Rwanda. Le livre de CB « Rwanda, Histoire d’un génocide » est loin d’être objectif. Elle n’y  mentionne pas une seule fois les brigades clandestines du FPR qui dès 1990, multipliaient les actes de terrorisme partout sur le territoire du Rwanda. Elles constituaient pourtant une composante  essentielle de la stratégie de guerre révolutionnaire montée par Kagame. Alison Desforges, la principale accusatrice du TPIR estime leur nombre à plus de 600 en avril 1994. La guerre de 42 mois qui a précédé l’attentat et le génocide est incompréhensible lorsqu’on ignore leur action. En particulier, le massacre de 270 tutsi dans le Bugesera en mars 1992 résulte d’une situation insurrectionnelle créée par ces brigades et par le nouveau parti libéral (PL) dans cette région. Voulant ignorer  ce fait, CB préfère y voir un prélude au génocide, causé par la haine des hutu pour les tutsi –attisée par le pouvoir-,   leur absence de culture, d’expression artistique, à part l’art ‘missionnaire’ imposé par les pères. Elle dénonce  leur ‘formation génocidaire’, ce dont le TPIR n’a trouvé aucune preuve par la suite.

Toutefois, en fin 1994, CB ne jugeait pas comme aujourd’hui que tous les indices accusaient les ‘extrémistes hutu’ de l’attentat contre Habyarimana. Elle écrivait dans son livre, publié en décembre 1994 : « En l’absence d’enquête internationale approfondie, aucune hypothèse ne peut être exclue, y compris celle de la responsabilité du Front patriotique dans l’attentat. »

Après avoir pourfendu les dictateurs anciens, CB s’est mise ensuite à encenser les nouveaux : Kagame et Joseph Kabila. Ce n’était pas aisé. Le temps passait. Plus personne ne croyait  aux histoires de Kagame, le chevalier blanc. Beaucoup estimaient que le Rwanda était tombé sous le joug de criminels et de prédateurs. CB elle-même semblait admettre la thèse selon laquelle Kagame aurait sacrifié délibérément les tutsi de l’intérieur pour parvenir à ses fins. Le professeur Reyntjens, en 2005, considérait Kagame comme le plus grand criminel de guerre encore en fonction. Celui-ci, du reste, n’avait aucun besoin des conseils de CB ; dans ce but, il s’adressait logiquement à ses sponsors anglo-saxons qui avaient financé son coup d’état et à Tony Blair, son conseiller bénévole. Les ministres belges libéraux Verhofstadt et Michel qui, en 2000, se prosternaient aux pieds de Kagame, n’étaient plus au pouvoir. Ils étaient remplacés par des catholiques flamands pour qui CB sentait un peu le soufre. CB n’avait pas de bons contacts non plus avec le commissaire européen Karel De Gucht, un libéral flamand. Du temps où il était encore ministre des affaires étrangères, CB lui reprochait dans ses articles son attitude trop dure envers son protégé Kabila ; elle l’accusait notamment de vouloir changer le régime de la RDC. De Gucht, le ‘rude flamand’, lui infligea dans son droit de réponse une volée de bois vert, s’étonnant qu’une journaliste de son niveau manipule ainsi la vérité.  On est en droit de se demander si CB, plongée dans ses parti pris et ses hypothèses dépassées, est encore crédible lorsqu’elle traite du Rwanda.

Elle donne son assentiment global au rapport Mutzinzi sans y jeter un coup d’œil critique. Elle n’y trouve  aucune objection, même pas l’objection  évidente que le rapport met en question les jugements du TPIR sans apporter de nouveaux éléments de preuve. C’est un peu comme si on mettait en question les jugements de Nuremberg.  Dans leur grande majorité, les arguments présentés par la commission d’enquête rwandaise sont anciens et ils avaient déjà été  examinés longuement  par les magistrats du TPIR. Pour ne donner qu’un exemple, CB cite dans son article une  association extrémiste hutu opposée aux accords d’Arusha, l’ AMASASU dont auraient fait partie les commandants des bataillons et des unités du camp Kanombe. Tout part d’un tract anonyme  retrouvé en 1994 au camp Kanombe et intitulé ‘Alliance des Militaires Agacés par les Séculaires Actes Sournois des Unitaristes’. C’est un jeu de mots sur le terme amasasu qui signifie ‘balle de fusil’. On n’a pas retrouvé l’auteur du tract. Lors du procès Bagosora devant le TPIR, le procureur a présenté ce document parmi d’autres comme preuve d’une ‘entente’ entre Bagosora, le ‘cerveau du génocide’, et ses co-accusés. Le Tribunal ne l’a pas suivi dans cette voie.  Bagosora n’était pas inculpé pour l’attentat du 6 avril. Il a été condamné pour différents assassinats (la 1ère Ministre, les casques bleus belges, les tutsi réfugiés à l’Ecole Technique des Pères Salésiens etc.) mais il a été relaxé de l’accusation d’entente avec ses co-accusés.

Dans son article, CB utilise les recettes classiques de la désinformation.

Au moins il existe de preuves, au plus il faut se montrer péremptoire. Oui, ‘les FAR disposaient de missiles sol-air et de personnel capable de les utiliser’. Le TPIR n’a retrouvé aucune preuve de commandes, encore moins de livraisons aux FAR de ce type de matériel. La commission non plus. Peu importe : ‘le général Dallaire savait’.  Pourquoi n’a-t-il rien dit au TPIR? Mystère ! Le temps d’obtenir un démenti, de l’eau aura passé sous les ponts.  De même, oui, ‘les FAR disposaient de spécialistes en artillerie anti-aérienne. Ils avaient été formés dans différents pays, dont la Corée et la France, au maniement de missiles sol-sol et ils avaient des connaissances dans le maniement des missiles sol-air’. Essayons d’éclaircir cette phrase , de compréhension difficile. En fait d’armes anti-aériennes, les FAR utilisaient dans leur Bataillon Anti-Aérien de vétustes mitrailleuses quadruples. Les servants n’étaient pas formés au maniement de missiles sol-sol. Les seuls missiles  présents dans l’armement des FAR  et pouvant éventuellement être classés comme missiles sol-sol étaient des missiles anti-chars du type Milan, la formation des tireurs ne leur donnant aucune connaissance dans le maniement de missiles sol-air. En fait, la phrase  ci-dessus ne veut rien dire ; elle fait simplement du volume dans une  désinformation qui ne s’adresse pas aux gens compétents  mais aux naïfs et aux ignorants, impressionnés par de longues énumérations dont ils supposent qu’elles comportent  une part de vérité.  

Il est bon, en désinformation, de suggérer que des responsables ont caché des informations importantes. Dans le cas présent, il s’agit de l’enquête de  l’auditeur militaire belge de l’époque Van Winsen, jamais rendue publique. Il ne faut surtout pas révéler ce que Van Winsen aurait pu dire de l’attentat et qui est sans doute de peu de poids, l’attention de l’intéressé  s’étant portée davantage sur l’assassinat des casques bleus belges. CB reste dans le mystère :’Il semble que ces documents aient finalement été portés à la connaissance des enquêteurs rwandais’.  Même chose en ce qui concerne le juge d’instruction van der Meersch qui se rendit à plusieurs reprises au Rwanda pour enquêter notamment sur la mort des casques bleus. CB ne nous révèle pas ce qu’il a pu dire mais note que la commission a ‘amplement puisé dans les sources belges’.

« D’un croquis..il apparaît que le tir .. n’ a pu que partir de l’intérieur du domaine militaire de Kanombe, fief de la garde présidentielle ». Le procédé consiste ici à faire croire à une conclusion technique irréfutable. Les experts anglais n’ont  pas été aussi péremptoires. Un angle de tir de 70° entre la trajectoire de l’avion et celle du missile pouvait être obtenu à partir d’une infinité d’emplacements. Le rapport suggère d’ailleurs un autre emplacement, le long de la clôture de la propriété d’Habyarimana ; les tireurs ne pouvant être alors que des membres de la Garde Présidentielle, chargée de la protection du président, tandis qu’à l’intérieur du camp Kanombe, la Garde Présidentielle n’avait rien à y faire. Un tir à partir de la propriété  soulève une contradiction ; sachant que la carcasse de l’avion est tombée dans la propriété, il est bien improbable que l’appareil ait été touché par un tir venant de celle-ci. Un avion de plusieurs tonnes volant à une vitesse résiduelle de 200 Km/h ne se comporte pas comme un pigeon qui, foudroyé par un tir, vient tomber plus ou moins à l’aplomb de l’endroit où il a été touché.

Qui a tiré finalement ? Ici, nous parvenons au sommet de la désinformation  car le rapport ne le dit pas. C’est décevant et CB sent la nécessité d’introduire un peu de mystère. Cela lui permet de réintroduire une de ses anciennes idées fixes : en juin 1994, lui parvint un message manuscrit, signé Thaddée, chef de milice à Kigali, dénonçant des militaires français porteurs d’uniformes belges comme auteurs de l’attentat. Sans hésiter, et avec l’accord de son journal, CB avait lancé la nouvelle dans la presse. Elle provoqua de la part de la France le tollé qu’on imagine. Finalement, la presse française classa l’affaire en parlant d’un ballon d’essai lancé par les services belges. Dans son article, CB écrit : » Comment savoir si la discrétion (du rapport) à l’égard d’éventuels intervenants français relève de l’ignorance ou de l’omission à l’heure où les relations diplomatiques viennent d’être rétablies entre Paris et Kigali ? » En effet, comment savoir ? N’était-elle pas bien placée pour  poser la question à Jean Mutzinzi ou à Kagame lui-même ? Il importe en effet de savoir si le rapport de la commission d’enquête a l’ambition de dire la vérité ou s’il n’est qu’une monnaie d’échange avec la France ? Était-il bien nécessaire dans ce dernier cas de déployer tant de moyens pour parvenir à une conclusion aussi décevante ?

En conclusion, le rapport de la commission d’enquête ne mérite pas une importance exagérée. Il ne prouve rien et ses contradictions sont évidentes. C’est un écrit de circonstances pour permettre la reprise de relations diplomatiques entre la France et le Rwanda. Il permet de constater que CB n’a rien perdu de sa hargne  dans la défense du régime de Kigali. On peut avoir l’impression qu’elle valait mieux que cela et on la plaint de devoir consacrer son talent à défendre des causes aussi douteuses.

Commençons par les modalités d’exécution de l’attentat. Si les « extrémistes hutu » l’ont exécuté, ils devaient disposer de missiles pour le faire et de personnel formé à cet effet.

Selon CB, les FAR(Forces Armées Rwandaises) en avaient- en particulier des SAM7- et le général Dallaire et le détachement belge le savaient ! Pourquoi n’en ont-ils pas informé le TPIR qui n’aurait pas manqué d’enquêter énergiquement à ce sujet ? Tout ce que le TPIR a découvert dans les archives des FAR est une demande d’information des FAR à l’Egypte, via l’ambassadeur d’Egypte à Kigali,  en 1992, pour l’achat éventuel de SAM16 qui n’a pas été suivie d’effet.  Les commandes à l’URSS ( ?) auxquelles CB fait allusion constituent évidemment une donnée fantaisiste ou erronée ; elles n’auraient pu se produire qu’avant 1990.

Quant à la formation  du personnel, selon CB, « les spécialistes rwandais en artillerie anti-aérienne avaient été formés dans différents pays dont la Corée et la France au maniement de missiles sol-sol et avaient des connaissances dans le maniement des missiles sol-air » On suppose que le rapport de la commission est plus explicite dans ce domaine, car ce qu’en rapporte CB est incompréhensible. Il s’agit d’armes entièrement différentes.

En outre, la commission dément le rapport Bruguière selon lequel les FAR étaient dotées de missiles. Les patientes enquêtes de Bruguière ont pourtant démontré la présence de SAM16 en provenance de Russie dans les dotations du FPR via l’Ouganda. Du reste, c’est avec de telles armes que le FPR avait détruit auparavant deux hélicoptères et un avion de liaison des FAR.

Qui a tiré ? Le rapport de la commission ne le dit pas mais assure que des hommes blancs se trouvaient sur la colline de Masaka. Cela permet à CB de revenir à une de ses célèbres idées fixes : les tireurs étaient français mais « comment savoir si cette discrétion à l’égard d’éventuels intervenants français relève de l’ignorance ou de l’omission à l’heure où les relations diplomatiques viennent d’être rétablies entre Paris et Kigali ? »  En effet comment savoir ?

D’où a-t-on tiré ? En 1994, il n’y avait aucun doute à ce sujet : de la colline de Masaka environ 1 Km à l’Est de la piste. Il ne s’agit pas d’un désert : cette colline comme toutes celles du Rwanda est habitée et de nombreux témoins ont vu les deux missiles rattraper l’avion et l’abattre. L’endroit est logique car de tels missiles (d’une portée de 6.000 m) avec un système d’acquisition infra-rouge doivent être tirés vers un point chaud de l’avion (tuyères). Du reste dans son « Histoire d’un Génocide », CB cite à plusieurs reprises cette colline de Masaka comme point de départ des tirs.

La commission estime au contraire que le tir est parti du camp militaire de Kanombe, que CB attribue erronément à la Garde Présidentielle ; en fait c’était le camp de l’unité para-commando. Elle affirme même que selon certaines sources les tireurs se trouvaient le long de la propriété d’Habyarimana, c’est-à-dire en bordure même de la piste. Ici, CB veut nous faire rire comme dans le temps lorsque, à l’exemple d’ Hergé, elle introduisait un peu de zwanze (exagération bruxelloise) dans ses exposés. La carcasse de l’avion est précisément tombée dans la propriété. Un avion de plusieurs tonnes, volant à 200 Km/h ne se comporte pas comme un pigeon qui, foudroyé dans son vol, tombe à peu près à l’aplomb de l’endroit où il a été touché.  

 

 

[2] Colette Braeckman « Rwanda, Histoire d’un Génocide » Ed Fayard 1994

[3] La Garde Présidentielle occupait le camp de Kimihurura, pas loin du CND (Conseil National de Développement-Parlement)

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article