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 Editions Sources du Nil  : Livres sur le Rwanda, Burundi, RDCongo

Le manque de concertation avec la population coûte cher

30 Octobre 2010 , Rédigé par Editions Sources du Nil Publié dans #Ressources et environnement


(Agence Syfia 30/10/2010)
 

(Syfia/JPED) De nombreuses infrastructures - marchés modernes, gares routières, usines – construites ces dernières années au Rwanda, sans concertation avec les habitants, restent désertes et inexploitées. Un manque de dialogue qui coûte très cher.

Le marché de Kirengeri, dans le district de Ruhango au sud du Rwanda, est désespérément vide depuis 10 ans. Financé par l’Agence américaine de l’aide au développement, (USAID), à travers l’initiative de gouvernance locale (IGL), il a coûté 40 millions Frw (près de 68 000 $). Mais ni les vendeurs, ni les acheteurs ne veulent y venir. Ils le boudent car, disent-ils, “les autorités ont refusé de construire ce marché où ils voulaient”. Pour eux, ce marché moderne devait être construit à Mugina, à la place de l’ancien, au centre des régions riches en produits agricoles, accessible à une bonne partie de la population locale. Mais les dirigeants d’alors ont fait la sourde oreille et imposé de l'installer au bord de la route Butare-Kigali, à près de 10 km de l’ancien. Pour les vendeurs locaux, cet endroit peu habité convient mal aux transactions commerciales. Les villageois des environs préfèrent aller aux grands marchés de Ruhango ou Gitarama, deux centres de négoce de la région.
Comme ce marché de Kirengeri, la gare routière de Kicukiro, celle de Rwamagana (Est), la maïserie de Mukamira ou la laiterie de Nkamira (Ouest), de nombreuses infrastructures récemment construites ne sont pas utilisées car elles ont été décidées sans concertation avec la population bénéficiaire.
Ainsi, dans le district de Kicukiro, ville de Kigali, une grande gare routière, qui a coûté plus de 300 millions de Frw, (près de 510 000 $), est vide, elle aussi, depuis six mois. Les chauffeurs et les voyageurs refusent d’y mettre le pied car elle est construite dans un lieu inaccessible. Pour eux, cette gare leur a été imposée sans prendre leur avis en considération. Un avis partagé par l’un des membres du conseil consultatif de ce district qui admet que la construction de ce parking de bus de transport en commun n'a pas tenu compte des propositions de la population locale. Mais, selon lui, cette gare a été éloignée de lieux très fréquentés pour diminuer les accidents routiers qui augmentaient de jour en jour.

Tout le monde y perd
Pour autant, par exemple, les habitants du secteur Byimana, Ruhango, ont contribué à construire ce marché moderne en rassemblant le matériel et fournissant la main-d'oeuvre. Le gouvernement n’a fait que chercher le bailleur de fonds. “Mais tout cet investissement qui n’est pas exploité ne constitue qu’une perte pour chaque partie”, constate un villageois du lieu.
Un élu de Kicukiro convient aussi que “cette gare routière ne rapporte rien alors qu’elle a coûté très cher”. Un habitant du coin est clair, il estime que “ce qu’on fait pour la population sans la population n’est pas dans l’intérêt de la population”. D’après un responsable de la décentralisation au ministère de l’Administration locale, “celle-ci ne s’approprie pas les programmes de développement préconisés par les autorités, à la suite du mauvais fonctionnement des conseils consultatifs et comités exécutifs des entités administratives”. “Ces organes élus devraient dialoguer régulièrement avec elle avant de lui imposer ce qui ne lui sera pas rentable”, ajoute-t-il.
Mais, dans la plupart des cas, les habitants ne participent pas à la conception et la mise en place des infrastructures qui leur sont destinées. C’est que confirme l’étude publiée en septembre 2010 par l’Institut de Recherche et de dialogue pour la paix (IRDP). Cette organisation révèle que 74% de Rwandais affirment “qu’ils ne participent jamais à la mise en place des politiques et des programmes publics”. Pour IRDP, ce fait ne contribue pas à “minimiser le décalage entre le contenu de ces programmes et les besoins de la population”. Cette étude note aussi que 60% des gens préfèrent “garder le silence sur tout ce qui se fait, et au fond d'eux-mêmes par peur des représailles s’ils se permettaient de formuler une critique sur les décisions prises à différents niveaux.”
par Albert-Baudoin Twizeyimana, Jean Marie Karangwa


© Copyright Agence Syfia

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