Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
 Editions Sources du Nil  : Livres sur le Rwanda, Burundi, RDCongo

La délation est institutionnalisée au Rwanda

3 Décembre 2009 , Rédigé par Editions Sources du Nil Publié dans #Justice et Droits de l'homme

CLIIR
Centre de Lutte contre l'Impunité et l'Injustice
Boulevard Léopold II, 227
1080 Bruxelles

Tél/Fax : 0032.81.60.11.13/GSM :  0032.476.70.15.69
mail: cliir2004@yahoo.fr 

Texte de la conférence donnée par J. Matata à La Haye le 14/11/2009
 

INTRODUCTION :

            D’après le dictionnaire, la délation est une dénonciation intéressée et méprisable. Un délateur est une personne qui pratique la délation, un dénonciateur. La délation dont nous parlons dans ce document est un système criminel mis en place par le régime du (FPR) Front Patriotique Rwandais pour calomnier et emprisonner des personnes innocentes. Ce régime a implanté au Rwanda des milliers de syndicats de délateurs directement recrutés, formés, protégés et financés par les agents de la DMI (Directorate of Military Intelligence).

Depuis juillet 1994 jusqu’à ce jour et sous l’actuel régime rwandais, des veufs, des orphelins, des militaires, des miliciens tutsi et des simples citoyens ont été sensibilisés (pour certains rescapés tutsis du génocide), forcés (pour d'autres rescapés hutus des massacres et des emprisonnements arbitraires), encouragés et sollicités pour se constituer en "associations ou syndicats de délateurs".

Ces "Syndicats de délateurs" sont couramment utilisés dans la constitution de faux témoignages et faux dossiers pour:

- permettre aux Forces Rwandaises de Défense (FRD) et la branche de renseignements militaires "Directorate of Military Intelligence (DMI) à sévir contre tous les hutus en général (considérés comme des opposants et d’ennemis du nouveau régime) et plus particulièrement contre des "anciens opposants hutus" rescapés  du génocide, des massacres, de la guerre et de la répression aveugle de l'Armée Patriotique Rwandaise APR.

- faciliter et favoriser les arrestations et détentions arbitraires (±90% des prisonniers rwandais n'ont pas fait l'objet d'une enquête préliminaire). Chaque militaire, policier ou milicien LDF (Local Defense Forces) (puisque le Front Patriotique Rwandais (FPR) les a créées aussi) est autorisé à arrêter et faire incarcérer des gens sans même les interroger ou les informer des motifs de leur arrestation. Les magistrats des Parquets n'ont aucun pouvoir de s'opposer à ces pratiques maffieux des militaires et policiers, des encadreurs politiques et miliciens du FPR présents et puissants dans les villes et les villages.

- permettre et faciliter la confiscation ou l'occupation illégale des biens appartenant aux personnes arrêtées injustement. Ce phénomène pousse aujourd'hui une bonne partie de hutus innocents et impuissants à s'exiler du pays et décourage la grande majorité de réfugiés hutus à retourner au Rwanda.

- intimider et éliminer des éventuels et futurs opposants au nouveau régime de Paul Kagame.

 

            Ce climat de délation, encouragé et entretenu par les détenteurs du "pouvoir occulte", est responsable de la terreur qui s'exerce sur tous les citoyens rwandais, les membres du Gouvernement, du Parlement, du Sénat et de la Magistrature sans "pouvoir réel". Toutes les "Institutions de l'Etat Rwandais” actuel (sauf les FRD) ne jouissent d'aucune autorité et souveraineté et restent noyautées et paralysées par les chefs militaires et politiques du FPR. Ces derniers sont impliqués dans les crimes de génocide et font l’objet de 40 mandats d’arrêt délivrés le 06/02/2008 par le juge espagnol Andreu Merelles et 9 mandats d’arrêt délivrés le 17/11/2006 par le juge antiterroriste français Jean Louis Bruguière. Au Rwanda l’impunité leur est assurée.

Le "pouvoir réel" est détenu par un petit "noyau de chefs  militaires et politiques et certains commerçants" extrémistes Tutsi qui n'ont qu'un seul objectif: garder le pouvoir et s’enrichir.

 

1) La délation avant le génocide d’avril à juillet 1994.

La délation a toujours servi comme une arme destinée à mâter les opposants depuis l’époque féodo-monarchique. Souvent victimes de la délation et des intrigues que ce soit à la Cour Royale ou à la Présidence de la première ou de la deuxième république, les présumés opposants au régime en place étaient voués à la mort, à la prison ou à l’exil. Donc tous les régimes rwandais ont utilisé et exploité la délation comme une arme redoutable.

La plupart des 10.000 personnes présumées complices du FPR, arrêtées et emprisonnées massivement en octobre 1990, furent victimes de la « délation ». Cette délation était souvent motivée par des règlements de compte, des cas de jalousies, la convoitise d’un emploi, etc…

 

2) Les syndicats de délateurs créés par le Front Patriotique Rwandais après Avril 1994 :

            En juillet 1994, après la victoire militaire du FPR et son arrivée au pouvoir, la délation a été institutionnalisée, utilisée, encouragée et entretenue par le « pouvoir occulte » des extrémistes tutsi dominé par un noyau dur de chefs militaires et politiques du FPR.

 

            Dès avril 1994, les premiers noyaux de « syndicats de délateurs » ont apparu dans les camps de rassemblement créés par le FPR pendant la guerre d’avril à juillet 1994. Des personnes innocentes ainsi que leurs membres de familles furent accusés injustement, enlevées et portées disparues. « Pointés du doigt », le mari, sa femme et leurs enfants disparaissaient sans laisser des traces après leur enlèvement par les militaires du FPR.

 

            Entre septembre et novembre 1994, la mise en place de véritables syndicats de délateurs tant au niveau national qu’international a été opérée par les extrémistes tutsi sur tout le territoire national et dans plusieurs pays occidentaux. Ces syndicats allaient compliquer le travail des magistrats courageux, honnêtes et consciencieux tant au Rwanda qu’à l’étranger.

 

            La consolidation de ces syndicats de délateurs s’est accompagnée par une terrible « épuration ethnique et politique de la Magistrature rwandaise ». Elle débuta par l’enlèvement et la disparition du Président ad intérim du Tribunal de Première Instance de Kigali, Monsieur Gratien RUHORAHOZA le 5 octobre 1994 parce qu’il avait libéré des détenus dont les dossiers étaient tout à fait vides.

Plus de 40 magistrats hutu courageux et honnêtes furent ciblés (par des délateurs manipulés par les extrémistes tutsi) et emprisonnés en vue de les museler et de les écarter.

De nombreux détenus innocents libérés furent interceptés devant les prisons tandis que d’autres furent maintenus en prison par les militaires qui désobéissaient aux magistrats civils. Les personnes libérées par les commissions de triage (mises en place par le Ministère de la Défense, celui de la Justice et celui de l’Intérieur) furent reprises, portées disparues ou assassinées chez eux quelques jours après leur libération. Ce fut notamment le cas de l’ancien Sous Préfet de RUHANGO, Placide KOLONI, assassiné puis brûlé chez lui avec sa femme, ses deux filles et leur domestique le 27 juillet 1995, soit trois jours après sa libération.

 

            La Directorate of Military Intelligence (DMI) s’ingère dans le travail de la justice par des enquêtes et des arrestations arbitraires et illégales. Les listes de présumés génocidaires furent confectionnées et publiées sur instigation des agents de la DMI qui remplacent les Inspecteurs de la Police Judiciaire dans certaines juridictions du pays comme à BUTARE. Des dossiers manifestement vides se remplissent de faux et ridicules témoignages confectionnés par les syndicats de délateurs qui sévissent sur les collines et dans les villes.

3) Les délateurs expérimentés se transforment en acteurs de Cinéma

 

Au début en 1994, les délateurs étaient des amateurs qui bricolaient plus ou moins des mensonges, de fausses preuves pour calomnier des personnes désignées.

Aujourd’hui (15 ans après) les délateurs, qui ont grandi dans la culture du mensonge et qui ont acquis beaucoup d’expérience dans l’art de mentir, sont devenus de véritables acteurs de cinéma capables de jouer dans plusieurs spectacles « judiciaires ». Depuis 15 ans, le régime FPR a imposé au peuple rwandais la culture du mensonge comme un « nouveau mode de vie ». Devant toutes les juridictions du Rwanda que ce soit les tribunaux ordinaires ou les tribunaux GACACA, des citoyens Hutus sont victimes du « Mensonge collectif ». Celui qui tente de démonter ce mensonge est exclu, persécuté, emprisonné, exilé, voire tué.

Si à Hollywood, l’industrie cinématographique a enrichi de nombreux acteurs de cinéma, au Rwanda c’est l’INDUSTRIE du GENOCIDE qui s’est développé durant  ces 15 dernières années. Les délateurs bien expérimentés dans l’ART de MENTIR et de calomnier, sont très sollicités et utilisés dans les procès GACACA très expéditifs qui ne visent qu’à condamner un maximum de citoyens Hutus propriétaires de biens immobiliers et des propriétés terriens. Les propriétaires, MORTS ou VIFS sont condamnés sans état d’âme avec l’objectif immédiat de vendre aux enchères leurs biens pour soit disant « dédommager des rescapés Tutsis » qui prétendent souvent avoir été pillés pendant le génocide. Naturellement, les pillards sont des intellectuels et des hommes d’affaires Hutus qui seraient devenus tous des voleurs pendant le génocide. En réalité, la plupart des procès GACACA qui se tiennent aujourd’hui partout au Rwanda ne visent qu’à enrichir les dignitaires du régime FPR et les syndicats de délateurs  qui facilitent les emprisonnements arbitraires des Hutus innocents. C’est cette façon de s’enrichir en spoliant les biens des Hutus innocents qui est qualifiée d’industrie du génocide rwandais.

 

Cette industrie du génocide a déjà ruiné plusieurs familles Hutus, des veuves et des orphelins Hutus dont les maris et les parents ont été massacrés par le FPR au Rwanda et au Congo. A l’aide des ventes aux enchères, leur héritage familial est volé par des dignitaires tutsis sous la couverture des tribunaux GACACA détournés, depuis 2002, de leur mission principal : rétablir la vérité et réconcilier les rwandais (voir Communiqué n°80/2005 du CLIIR).

Cette « industrie du génocide rwandais », sous couvert des tribunaux GACACA, a permis au régime FPR de raffiner sa politique génocidaire contre des citoyens innocents. L’industrie du génocide a transformé les GACACA en un système d’escroquerie collective réglementée par des juges mercenaires, des huissiers de justice, des policiers et des autorités administratives et judiciaires du Rwanda.

A leur tour, ces autorités rwandaises, qui se sont constitués dans de véritables bandes de gangsters, s’organisent pour localiser des immeubles, des propriétés terriens appartenant à des Hutus innocents qui sont ensuite convoqués, jugés, condamnés et emprisonnés à l’issue de faux procès Gacaca. A l’aide des ventes aux enchères, ces autorités ont déjà ruiné des dizaines de milliers de familles Hutu.

Pour des familles ou des rwandais Hutus exilés à l’étranger, les tribunaux GACACA les condamnent systématiquement à perpétuité et vendent aux enchères immédiatement leurs maisons et propriétés terriens. Les acheteurs ne paient pas la valeur réelle des biens car l’objectif poursuivit par les autorités rwandaises est d’appauvrir les Hutus innocents en s’appropriant de leurs biens L’argent provenant de la vente des maisons est distribué officiellement aux victimes Tutsis du génocide et officieusement les juges GACACA et les autorités locales se partagent un certain montant. Parfois, les juges GACACA inventent un faux dossier contre un riche propriétaire Hutu et l’invitent (par l’intermédiaire d’un ami) à se racheter à coup de millions de Francs rwandais. Lorsque des parents ont leurs enfants en Europe, ils deviennent de véritables vaches laitières pour les autorités administratives et judiciaires.

 

Pour faire prospérer l’industrie du génocide, les tribunaux GACACA ont subit une terrible épuration ethnique. En effet plus de 45.000 juges Gacaca élus par la population en 2002, ont été disqualifiés par les autorités rwandaises qui les ont tout simplement ajoutés sur les listes noires des présumés génocidaires Hutus. Après cette épuration ethnique, les tribunaux GACACA ont été à leur tour noyautés, contrôlés et paralysés par les agents de la DMI qui les administrent officieusement.

Ainsi, lorsqu’un Hutu honnête est acquitté par le tribunal de son lieu de résidence, les agents de la DMI, infiltrés dans le Service National des Juridictions GACACA (SNJG), s’arrangent pour déplacer les juges Gacaca d’une autre juridiction pour venir le condamner en intimidant ou en refusant d’écouter les témoins à décharge. A l’issue de plusieurs procès GACACA, des témoins à décharge ont été condamnés eux-mêmes à des peines de prison comprises entre 3 mois et 30 ans (Voir le cas du commerçant Thomas KANYANGOGA de Kayonza, Kibungo dans la province de l’Est dont 9 témoins à décharge ont été emprisonnés et d’autres mis en fuite). L’élection de ces personnes intègres a permis au Régime FPR d’identifier des Hutus honnêtes et connus pour leur intégrité morale afin de les neutraliser, de les assassiner ou les emprisonner arbitrairement.

 

4) Des délateurs parmi les agents et les hautes autorités de l’Etat :

 

            On trouve les délateurs professionnels parmi les agents de l’Etat, les simples citoyens et parmis les plus hautes autorités du pays. L’on peut relever le discours incendiaire de Kibeho prononcé par l’ancien président de la république, M. Pasteur BIZIMUNGU, qui proposait le 7 avril 1999 que l’évêque de Gikongoro, Mgr Augustin MISAGO soit exilé car il n’avait pas pu empêché les massacres dans son diocèse. Il fut arrêté le 14/04/1999 et passa une année en prison d’où il fut libéré le 15 juin 2000. Rappelons également le procès intenté contre le Lieutenant Colonel Patrick KAREGEYA grâce à l’intervention d’un « délateur spécial », le général KABAREBE qui joua le rôle d’unique délateur dans ce procès.

 

5) Des juges GACACA sombrent dans la délation institutionnalisée :

 

Dans plusieurs procès GACACA, les syndicats de délateurs ont pris le dessus et semblent s’imposer partout au Rwanda. Lorsqu’on examine plusieurs procès, on est choqué de constater la complaisance permanente des responsables du Service National des Juridictions GACACA (SNJG) supervisé par Madame Domithille MUKANTAGANZWA, une femme juriste dont le mari fut longtemps le maire de la Préfecture de la Ville de Kigali, Capitale du Rwanda.

 

Chaque fois qu’une juridiction GACACA locale juge normal d’acquitter un intellectuel, un religieux ou un commerçant Hutu calomnié par un groupe de délateurs, le SNJG intervient pour imposer un nouveau procès avec une équipe itinérante des juges Gacaca soumis au diktat de la DMI. Les cas sont très nombreux :

·        L’Abbé Joseph NDAGIJIMANA, curé de la paroisse Byimana vient de passer plus de 14 ans en prison alors qu’il est connu comme un prêtre juste qui a sauvé, nourri, évacué et caché des centaines de personnes menacées de mort pendant les massacres d’avril à juillet 1994. Son procès Gacaca est le plus long puisqu’il a commencé le 1er septembre 2005. Ce juste a fait l’objet de plus de 10 (dix) communiqués du Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda. Il a été acquitté le 26 Août 2009 mais le SNJG est intervenu pour le maintenir en prison. Il a écrit en vain au président de la République et attend toujours la réponse. Son petit frère et sa sœur ont été récemment condamnés par le Gacaca à l’aide d’un syndicat de délateurs de Gitarama (actuel district de Muhanga)..

·        Le Docteur NIYITEGEKA Théoneste est un ancien candidat aux élections présidentielles de 2003 et opposant politique au président Paul KAGAME. Ce dernier lui a concocté un procès GACACA qui l’a condamné à 15 ans de prison grâce à un seul « délateur spécial » envoyé par la présidence de la république rwandaise. Il avait été acquitté à deux reprises par le tribunal Gacaca de son lieu de résidence (Gahogo) dans la ville de Gitarama.

·        Nous pouvons citer plusieurs cas où les délateurs ont monopolisé la parole et ou les témoins à décharge ont été intimidés, chassés ou humiliés par les juges Gacaca soumis au pouvoir exécutif. Citons entre autres quelques cas : Eugène NGABWA condamné à 25 ans de prison alors qu’il est lui-même un rescapé du génocide. Il a perdu sa femme tutsi et ses trois enfants pendant les massacres d’avril à juillet 1994. Il est en prison pour rien. Le professeur RUNYINYA Barabwiliza est détenu pendant 15 ans. Son épouse est morte après avoir été détenue longtemps dans un container chauffé au soleil à Kigali. Récemment il a été traduit devant le tribunal Gacaca à Kigali où aucun crime n’a pu être établi à sa charge. Mais les juges l’ont placé sur la liste des plus grands planificateurs. D’autres intellectuels et commerçants hutu innocents ont été condamnés arbitrairement par les tribunaux GACACA : Aloys MUJYABWAMI (de Cyangugu), le docteur vétérinaire Ambroise CYUBAHIRO (de Nyanza), ainsi que plusieurs médecins de Butare qui ont été condamné le 5/09/2007. Des députés et des sénateurs tels que SAFARI Stanley, Elie BISENGIMANA, l’ancien président du Parlement Rwandais, Alfred MUKEZAMFURA, la sénatrice Béatrice NIRERE, le député Etienne MAGALI, etc..

Des intellectuels Hutus connus pour leur intégrité sont condamnés arbitrairement : Le matin du 07/10/2009, ce fut le tour de l’ancienne Maire adjointe, Mme Domina NYIRAKABANO, 51 ans, d’être à nouveau déposée dans la prison mouroir de Gitarama (Muhanga). Le tribunal Gacaca de Takwe à 50km de Nyabikenke, l’a condamnée à 30 ans de prison, et plus. Selon l’accusation préfabriquée, elle et 4 autres intellectuels innocents (les enseignants: NSENGIYUMVA Léon, GASIRINGI Joseph, PFUKAMADUSENGE Christiane, RUTIHUNZA Emile) auraient, de passage à Takwe en 94, suggéré à des délinquants postés sur un barrage génocidaire de tuer Mr Nkinahe, un natif de Takwe migré et marié à Nyabikenke, voire assez proche de la famille de Domina. Mr Nkinahe est hélas l’une des premières victimes du génocide de Rwandais en 94. Et il aurait été tué à Takwe. Mais Domina n’a  jamais mis ses pieds à Takwe.

 

Plusieurs personnalités rwandaises et de nombreuses organisations des droits humains n’ont jamais cessé de dénoncer « la délation institutionnalisée au Rwanda » :

 

1) Témoignage de l’ancien Ministre de la Justice, Faustin NTEZILYAYO in Dialogue n°213 de novembre-décembre 1999 dans son article « Enlisement du système judiciaire et dérive des droits humains au Rwanda » :

…… « Une question préoccupante touchant directement la justice et les droits humains est celle des arrestations et détentions arbitraires prolongées sans aucun respect des normes et procédures guidant la détention provisoire.

            En effet, avec l’arrivée au pouvoir du régime en place à Kigali, en juillet 1994, plusieurs personnes ont été arrêtées sur simple dénonciation par des autorités militaires et administratives (ne possédant aucune qualité légale en matière d’arrestation et de détention provisoire) et accusées de participation au génocide et autres crimes commis en 1994. Aucune instance judiciaire n’existait alors.

            Dans cette confusion générale, la délation a pris le dessus et plusieurs personnes ont été jetées en prison par des gens voulant les évincer des postes qu’elles occupaient dans l’administration publique ou dans la société civile ou pour s’arroger leurs propriétés ou poussées par la vengeance ou des règlements de compte. Le pouvoir militaro-politique en a profité aussi pour incarcérer les personnes qu’il considérait comme opposants politiques ».

            …….. Un autre exemple de la violation du principe de la présomption d’innocence est illustrée par des dispositions prévoyant la confection, avant jugement, de la liste des personnes rangées dans la première catégorie des personnes poursuivies pour crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité commis au Rwanda. … Force est de constater toutefois que la confection de cette liste a plus servi à un agenda politique d’éliminer les personnalités de l’ancien régime considérées comme opposants politiques ou d’autres personnes ayant une certaine influence au sein de la société civile qu’à l’avancement des poursuites en permettant d’identifier les vrais responsables du drame rwandais.

            La conséquence de ces lois injustes a été le maintien en détention des personnes qui, pour la plupart, viennent de passer plus de cinq ans en prison sans qu’aucune charge ne soit portée contre elles……….

            De fait, les différentes tentatives de faire la lumière sur ces dossiers ont échoué, tant les autorités militaires et administratives qui ont procédé à ces arrestations et détentions, actionnant la branche extrémiste du mouvement des rescapés, ont bloqué toutes les mesures visant à libérer les personnes contre qui ne pesait aucune charge……… Ainsi certaines personnes libérées suite au non-lieu décidé par les magistrats de Parquet, ont été par la suite victimes de meurtres et d’assassinats, emportant souvent aussi un grand nombre des membres de leur famille……….

……..Une illustration en est donnée par la pratique des magistrats du Parquet de mener des enquêtes seulement à charge du prévenu, sans possibilité de confrontation entre le prévenu et le témoin. Il en est de même des représailles à l’égard des avocats de la défense qui ont abandonné l’assistance des personnes accusées suite à l’enlèvement et à la disparition d’un de leurs collègues ». Rappel : L’avocat Innocent MURENGEZI fut porté disparu en février 1997 quelques jours seulement avant l’assassinat du Président du Conseil d’Etat, Monsieur Vincent NKEZABAGANWA, mitraillé chez  lui le 14 février 1997 vers 19h et achevé à la baïonnette par des militaires APR qui se sont proposés pour le conduire au Centre Hospitalier de Kigali (CHK) où sa femme le retrouva tout nu et le ventre ouvert à la morgue une demi heure plus tard. Les habits et les militaires sont restés introuvables ! Aucun médecin n’avait vu le cadavre.

 

2) Témoignage de Human Rights Watch et la FIDH dans leur rapport d’Avril 1995 « Rwanda, persistance de l’état de crise » :

            « Un nombre important de dénonciations repose sur de faux témoignages, motivés par l’espoir de gains personnels (…), par la rivalité politique, ou par des règlements de compte personnels. Human Rights Watch et la Fédération Internationale des Droits de l’Homme ont appris qu’un groupe de personnes à Butare, qui ont survécu au génocide, sert d’ « accusateurs sur demande » pour d’autres lorsque ces dernières souhaitent faire emprisonner quelqu’un. Le Collectif rwandais des Ligues et Associations des Droits de l’Homme (CLADHO) a signalé la même activité dans d’autres parties du pays. Le Ministre de la justice et le Procureur de Kigali ont affirmé qu’ils sont convaincus que 20% des prisonniers sont détenus sans aucune charge pour les poursuivre. De nombreux cas ont été signalés à Human Rights Watch et à la FIDH où des accusations apparaissent absolument dénuées de tout fondement …».

 

3) Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda a publié plusieurs Dossiers et communiqués sur les « syndicats de délateurs » depuis mai 1996 (Voir « les Syndicats de délateurs » Mai 1997). Lundi 23 avril 2001, devant la Cour d’Assises de Bruxelles, le Coordinateur du Centre, Joseph MATATA, a témoigné pendant environ une heure sur l’existence et le nocivité des « syndicats de délateurs » entretenus et exploités à des fins socio-politiques et socio-économiques par les détenteurs du « pouvoir occulte » de Kigali.

 

Les principaux Syndicats de délateurs oeuvrant dans les pays occidentaux et manipulés par les membres et propagandistes du FPR:

            La carte et la liste des principaux Associations proches du FPR et faisant partie du principal réseau extrémiste du FPR en Europe a été diffusée par le Bulletin de liaisons Rwanda N°3 octobre-novembre 1995 et n°5 avril 1996 dans sa publication interne du réseau. Nous énumérons ici celles qui ont été les plus actives dans la délation et la diabolisation aveugle contre des intellectuels hutu réfugiés un peu partout en Europe :

 

L’organisation londonienne AFRICAN RIGHTS, a récemment fait arrêter l’abbé Emmanuel UWAYEZU, un prêtre hutu résidant en Italie. Ce prêtre serait accusé de n’avoir pas pu protéger plus de 80 élèves du groupe scolaire Marie Merci de Kibeho dont il était directeur en avril 1994. La directrice d’African Rights, Mme Rakiya Omar, est la seule militante des droits humains qui est tolérée par le régime du président Paul KAGAME au moment où feu Madame Alison Desforges n’étaient plus autorisée à se rendre au Rwanda. Plus de 40 militants rwandais des droits humains et membres du CLADHO (Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’Homme au Rwanda) ont été contraints de s’exiler. Cette organisation animée par la somalienne RAKIYA Omar, s’illustra dans ses publications sur le génocide rwandais notamment par son premier rapport d’environ 1000 pages «Death, Despair and Defiance » version de Septembre 1994. Après s’être fait remarquer par les chefs militaires de la DMI (Directorate of Military Intelligence), elle remania le même rapport et le rediffusa en Août 1995 avec une autre version. Ainsi, les démocrates hutu présumés tués par la milice Hutu dans son édition de septembre 1994 deviennent de « sauvages génocidaires et extrémistes hutu » dans la nouvelle édition d’Août 1995. Depuis que RAKIYA Omar a accepté de servir les intérêts des extrémistes tutsi, elle s’est attaqué à plusieurs intellectuels hutu notamment ceux qui venaient d’occuper des postes intéressants dans les Universités et les ONG internationales. C’est ainsi que AFRICAN RIGHTS s’attaqua à :

- Monsieur Innocent MAZIMPAKA, ancien Président de la Ligue Rwandaise pour la Promotion des Droits de l’homme (LIPRODHOR), qui était devenu Coordinateur de SNV (une ONG Hollandaise) au Bénin. Il est décédé au Bénin ;

- Le Docteur Sosthène MUNYEMANA (ancien habitant de Tumba à Butare) fut attaqué et présenté comme « le boucher de Tumba : en liberté en France » par African Rights dans son magazine WITNESS, Issue 2, de février 1996. L’Université de Bordeaux, qui l’avait engagé dans son projet sur le SIDA, fut contraint de le licencier suite à cette campagne.

- Le Docteur Pierre MUGABO (ancien habitant de Butare) fut attaqué et présenté comme un génocidaire parce qu’il venait d’être embauché par l’University of Naïrobi de décembre 1994 à février 1997. Il a été lui aussi récemment la cible d’une virulente campagne médiatique en Afrique du Sud où il est professeur à l’University of Western Cape depuis février 1997.

- Le Professeur Mathias CYAMUKUNGU (ancien habitant de Butare) fut lui aussi attaqué par African Rights dans la seconde édition d’Août 1995 où plusieurs intellectuels et professeurs hutu de l’Université Nationale du Rwanda furent la cible de cette organisation londonienne qui s’est mise à faire de la délation pour le compte de la DMI et les délateurs rwandais.

- Le représentant d’African Rights, Monsieur Théodore NYILINKWAYA, n’a pas hésité à exposé les employés de la COFORWA (Compagnie des Fontainiers du Rwanda de l’Abbé BOURGUET) en les dénonçant aux militaires APR qui venaient eux-mêmes d’assassiner le représentant légal de COFORWA, Jean Baptiste NGIRABATWARE, tué dans la soirée du 5 juillet 1997 avec sa femme et ses cinq enfants. Ce représentant d’African Rights a livré aux militaires le fax qui expliquait cet assassinat pour leur permettre de traquer celui qui l’avait rédigé. Cet ancien employé de COFORWA est aujourd’hui réfugié en France.

- African Rights a menti dans le dossier de Sœur GERTRUDE et Sœur KIZITO puisque l’Adjudant Chef REKERAHO a nié avoir rencontré un enquêteur de cette organisation. Cela veut dire qu’African Rights a répercuté des éléments d’enquête réalisés par quelqu’un d’autre.

- Le Général de Brigade Léonidas RUSATIRA fut un  ex-FAR qui a sauvé plusieurs dizaines de familles tutsi pendant le génocide de 1994. Dans son dernier rapport « Livrés à la mort à l’ETO (Ecole Technique Officielle de Kicukiro) et à Nyanza » de 112 pages publié le 11/04/2001 sur les histoires de civils rwandais abandonnés par des troupes de l’ONU le 11 avril 1994, African Rights s’attaque à cet officier reconnu comme un héros et un homme juste qui a utilisé tous les moyens à sa disposition pour sauver les personnes menacées.

- Amnesty International fut attaqué par African Rights dans son livre de 263 pages publié sur « l’insurrection dans le Nord-Ouest du Rwanda » le 22 septembre 1998. Sur plusieurs pages African Rights accuse cette organisation très crédible de publier des fausses informations sur les massacres de civils non armés commis par l’APR dans cette région. Ces accusations ressemblaient exactement à celles du Gouvernement rwandais contre Amnesty International.

- Mgr André SIBOMANA fut un ancien Directeur du journal catholique Kinyamateka lauréat de Reporter Sans Frontières (RSF) (très critique contre toutes les dictatures) et Président de l’ADL (Association Rwandaise pour la défense des Droits de l’homme et des Libertés publiques). Il s’est fait attaqué par Rakiya Omar grâce aux manipulations des extrémistes tutsi. Le Rapport de RSF, qui a enquêté sur son Lauréat, a rétabli la vérité sur son innocence dans le génocide.

 

D’autres associations qui furent très actives dans les années 1996 à 2002 se sont essoufflées petit à petit. Mais elles ont été très nocives car elles s’attaquent systématiquement aux réfugiés rwandais exilés en Europe, au Canada ou aux USA non pas souvent pour les crimes qu’ils auraient commis, mais parce qu’ils sont nés Hutus.

Les réfugiés rwandais ne sont pas dangereux, ils sont en danger et victimes d’une chasse à l’homme qui ne semble pas prendre fin.

 

La délation est la plus vieille arme de toutes les dictatures. Elle a beaucoup servi sous les régimes soviétiques (sous Lénine et Staline) et les dictatures militaires de l’Amérique Latine, en Afrique, en Asie et partout dans le monde où l’absence de démocratie impose la violation permanente des droits humains et des libertés publiques.

 

La Haye le 14 novembre 2009,

 

MATATA Joseph, Coordinateur du CLIIR.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article