En attendant la construction de la Ruzizi 3 et 4: Bukavu, Goma, … condamnés au délestage carabiné
(Les Coulisses n°209)
Bukavu. A partir de 19 heures, toute la ville est presque dans le noir. La faible alimentation d’électricité laisse beaucoup de poche d’ombre et serait aussi source d’insécurité grandissante.
La Snel ne dessert que près de 4,5 mégawatts dans une ville dont le besoin en électricité est estimé à peu près 45 mégawatts.
Il en va de même de la ville de Goma dont le besoin estimé à 30 mégawatt mais desservie actuellement à 4,5 à 5 mégawatt.
Avec 13 mégawatts produits par deux machines (le troisième étant à l’arrêt par manque d’eau), Bukavu et Goma sont éternellement condamnés au délestage carabiné.
Au moment où la Rédaction du journal Les Coulisses visitait le barrage hydroélectrique de la Ruzizi I, le niveau d’eau était au plus bas au regard de la courbe de tarage fixée par les spécialistes.
A peu près 1462 mètres. Or, la production de l’énergie électrique est fonction du niveau d’eau du lac.
La Ruzizi I alimente les villes et cités congolaises d’Uvira, Katana, Goma et Bukavu, une partie du Sud du Rwanda/Cyangugu et Bujumbura (Burundi). Au niveau de la Ruzizi, la hauteur de chute est de 24 mètres seulement avec une production de près de 30 mégawatt. A condition que les 3 machines tournent et que le niveau du lac atteigne 1463 mètres full tank. Cette production n’est plus atteinte depuis 1994.
Au facteur de la baisse des eaux du lac, il faut ajouter celui de la démographie galopante. Selon les services de l’Etat, la ville de Bukavu fut construite pour abriter 250 mille habitants. Aujourd'hui, avec les effets migratoires et les gens qui fuient l’insécurité grandissante dans des villages, la ville de Bukavu compte près de 1,6 million d’habitants. Phénomène de société, tout le monde construit en désordre, l’Etat n’ayant pas de moyen pour suivre cette évolution rapide, est pris de court.
Selon une source de la Société nationale d’électricité, il existe des études très poussées de faisabilité avec Energie des Grands Lacs pour la sous région.
Notamment sur le comment implanter la 3e centrale sur la Ruzizi avec une production évaluée à 135 mégawatt. D’autres possibilités de faisabilité vont jusqu’à la 4e centrale (R4) qui produirait 250 mégawatt afin de donner au finish près de 350 à 400 mégawatts pour la sous région. Le problème de niveau d’eau correspondant à ladite production ne se poserait pas d’autant plus que la Ruzizi a un débit permanent sur toute l’année. On envisagerait aussi la dénivellation de près de 700 mètres entre le lac Kivu et le lac Tanganyika au niveau de Kamanyola.
Selon les mêmes sources, la R3 (Ruzizi 3) pourrait être opérationnelle dans 4 ans avec le financement de l'Union européenne. Mais à la seule condition qu’il y ait la paix et la stabilité dans les Grands Lacs. Conditions qui nous tiennent toujours à la gorge.
Délestage, une fatalité ? Non.
Le recours à l’énergie thermique n’est-il pas une solution ? Selon des études, la solution à court terme reste l’utilisation des groupes thermiques, dans la ville de façon à injecter une quantité d’énergie.
Cinq groupes utilisés à des heures de pointe sur base de la rotation serait une des solutions. Kigali (40 mégawatt) et Bujumbura disposent des centrales propres à eux et ont réussi à diversifier les moyens de production de l’énergie électrique avec le fuel lourd et le gaz méthane. Le Rwanda, par exemple, dispose d’une plate-forme expérimentale à Gisenyi qui produit déjà 2 mégawatt.
En RDCongo, on note l’utilisation non rationnelle du courant avec des ampoules de 100 watts.
Or, il suffit de remplacer ces ampoules de 100 watts par des ampoules de 18 watts plus économiques et incandescents produisant la même qualité de lumière pour récupérer le reste de l’énergie et le dispatcher ailleurs.
On pourrait à la rigueur créer une société de sous traitance de la Snel qui aurait pour objectif uniquement d’installer sur toute l’étendue du pays des ampoules de 18 à 20 watt rachetant celles de 80 à 100 watt. La Snel gagnerait énormément en énergie et pourrait répondre tant soit peu au problème de délestage.
Enfin, d’autres solutions peuvent être projetées telles l’utilisation des compteurs de pré paiement permettant à chaque citoyen qui le souhaite d’acheter de l’énergie comme on le fait avec des cartes prépayées de Vodacom, Zain, Tigo, CCT
Le Congolais doit enfin se discipliner et comprendre que laisser des ampoules allumées toute la journée est une dépense inutile d’énergie.
En attendant vive le délestage et les coupures intempestives du courant à Bukavu, Goma …
Mathias Ikem