Crise des FDU: Mberabahizi charge le RDR
Mberabahizi: Victoire Ingabire reste pour nous un symbole de lutte pour la démocratie
Jean-Baptiste Mberabahizi, membre du Bureau exécutif des Forces démocratiques unifiées (FDU), répond à L'Actualité.ch à propos de la crise qui secoue son parti. Pour lui, Victoire Ingabire, emprisonnée au Rwanda, reste une figure importante pour "l'avènement d'un Rwanda démocratique", a-t-il déclaré.
source: L'actualité.ch
La crise qui agite les Forces démocratiques unifiées (FDU) a éclaté au grand jour au début de cette année. Soit un an, jour pour jour, après l'arrivée de leur présidente, Victoire Ingabire au Rwanda. En prison depuis octobre 2010, et soupçonnée d'association avec un groupe terroriste, son jugement devrait être rendu le 15 mai prochain. Pendant ce temps, deux factions des FDU à l'étranger se déchirent. Une semaine après l'interview accordée à L'Actualité.ch par le président du comité de coordination Nkiko Nsengimana, voici la réponse de Jean-Baptiste Mberabahizi, membre du Bureau exécutif du parti.
Quel est le vrai problème au sein des FDU?
Votre question suggère que vous pensez qu’il y a un faux problème et un vrai problème. La vérité est qu’il n’y a qu’un seul problème. Depuis la création des FDU,
nos amis issus du RDR n’ont jamais accepté de travailler dans nos structures régulières. Ils les ont boudées pendant deux ans et n’ont réapparu qu’au lendemain de la décision d’aller
aux présidentielles de 2010, décision prise lors de notre Conseil Politique du 28 septembre 2008. Au lendemain de la signature de la charte constitutive des FDU, ils ont démissionné en cascade de
l’exécutif. A titre d’illustration et sans être exhaustif, entre le 29 avril 2006 et le 30 octobre 2006, les deux membres du comité exécutif issus du RDR avaient démissionné. Il s’agit du
commissaire à l’information, Emmanuel Nyemera et du commissaire à la mobilisation politique, Charles Ndereyehe. Eric Bahembera qui a remplacé M. Nyemera a également démissionné en avril 2007.
Joseph Bukeye, proposé pour le remplacer, n’a jamais accepté cette tâche. Le poste est resté vacant jusqu’en juin 2009. Il ne daignera accepter de rejoindre l’exécutif des FDU qu’après la
décision d’aller aux élections, pour s’occuper de la mobilisation politique. Le commissaire chargé de l’évaluation et du suivi Christophe Boneza, également issu du RDR, a eu des ennuis de santé
et n’a jamais fait son travail. De fait, entre 2006 et 2008, seule la présidente était active au sein des organes des FDU. Lorsqu’en 2007, le Bureau exécutif a décidé de mettre en place des
structures locales, les Conseils politiques locaux (CPL), qui n’étaient pas prévues au départ mais qui sont devenues incontournables pour accueillir les nouveaux membres, ils les ont
systématiquement boycottées. En pratique, malgré les stipulations expresses de notre charte constitutive que les composantes devaient geler leurs activités, ils ont maintenu des structures
parallèles, fait des réunions parallèles et adopté et mis en application des décisions parallèles. Ils ont maintenu leur site web, actif jusqu’à ce jour, ignorant les nombreuses
interpellations du Bureau exécutif. Il est même arrivé qu’ils proposent des réunions pour étudier les modalités de collaboration entre les FDU et le RDR, notamment en Belgique, où ils
avaient refusé de rejoindre les structures locales des FDU, sans succès. La raison de cette attitude est qu’ils n’ont jamais accepté les deux principes fédérateurs des FDU qu’étaient
l’exclusivité de compétence des FDU en matière de mobilisation politique, diplomatie, finances, documentation, sécurité, information et relation avec la société civile et le gel des activités des
organisations membres au profit des FDU dans ces domaines. Ils y voyaient une fusion déguisée, fusion à laquelle ils ont été systématiquement opposés pendant plus d’un an lors des négociations
qui ont conduit à la naissance des FDU. Quand la décision d’aller aux élections a été prise, il y a eu une fusion de fait. Puisque ce sont les FDU en tant qu’organisation unique qui allaient
présenter un (e) candidat (e) et non une coalition, comme le prévoit la loi rwandaise. C’est pourquoi, au lendemain du Conseil politique du 28 septembre 2008 qui a pris cette décision, ils
sont revenus travailler dans les structures des FDU. Nous avons constaté qu’ensuite, ils ont multiplié les faits accomplis, mis en œuvre des programmes parallèles, en usant et en abusant de la
Présidence des FDU. Ainsi, après la réunion publique du 9 janvier 2010, ils ont tenté de liquider le Bureau exécutif et le Comité exécutif, en les remplaçant par un soi-disant comité de
coordination, au motif que désormais les FDU allaient au Rwanda, alors que le Bureau Exécutif était toujours en place et qu’il avait pris d’autres résolutions. D’ailleurs, le Bureau exécutif a
sorti au moins deux communiqués signés respectivement par le secrétaire général adjoint Benoît Ndagijimana le 11 janvier 2011 (à ne pas confondre avec le faux communiqué rédigé, signé et diffusé
sur Internent à la même date en son nom mais à son insu par ceux-là mêmes qui sont aujourd'hui dans la dissidence après leur nième tentative de récupérer les FDU à des fins qui n'ont rien à voir
avec leur mission; et par moi-même, secrétaire général et porte-parole, le 16 janvier 2010. La mission confiée à la présidente par le Bureau exécutif n’était qu’une mission de courte durée et non
une mission à durée indéterminée. Les documents sur cette mission (ses termes de référence, sa durée, etc.) sont disponibles. C’est pour cela qu’elle est partie en tant que présidente. Après son
départ, il a fallu gérer ces contradictions en évitant de la mettre en danger, étant donné qu’elle était en zone hostile. Malheureusement, les faits accomplis ont continué. A titre d'exemples:
changement de la mission de la présidente en cours de route sans consultation avec les organes habilités, mise en place d’un comité exécutif provisoire, sans aucune consultation, publication d’un
communiqué demandant la mise en place d’un gouvernement d’union nationale après les élections, et tout récemment, la décision unilatérale de signer un accord avec le RNC. A partir de là, il
a fallu que le Bureau exécutif reprenne les choses en main. En gros, il n’y a pas deux factions. Il n’y a qu’une faction au sein des FDU. Celle du RDR qui n’a jamais accepté de travailler dans
nos structures et qui voudrait les liquider à défaut de les contrôler. Certains éléments indisciplinés comme Nkiko Nsengimana, deuxième vice-président, se prêtent à ce jeu, par pur opportunisme
ou par esprit sectaire. Il appartient à ceux qui n'ont jamais voulu accepter la fusion des composantes des FDU d'expliquer les raisons de leur attitude.
Est-il exclu de collaborer avec le RNC?
Les FDU acceptent le principe de la coopération avec d’autres organisations politiques rwandaises, à condition qu’elles soient démocratiques et que cela se fasse
dans le respect de nos principes de fonctionnement. Les domaines, le degré et la forme de cette coopération dépendent de nos convergences et de nos divergences. Manifestement, il y a des points
de convergence avec le RNC, notamment sur la nécessité de réformer de façon profonde le régime politique rwandais. Mais, il y a aussi des points de divergence importants, notamment concernant les
crimes commis par l’armée patriotique rwandaise en RDC en 1996-1997. Pour nous, il n’y a pas de doute qu’il s’agit d’un génocide. Ensuite, pour nous, la lutte armée du FPR n’est pas une
guerre de libération nationale. De même, les Forces rwandaises de défense, l’armée actuelle, ne sont pas une armée nationale, ni dans leur mission réelle, ni dans leur composition, ni dans leurs
mécanismes de commandement et de contrôle. Elles doivent être totalement refondues.
Est-il possible que le parti se scinde en deux formations politiques distinctes?
Non. Pour nous, il n’y a pas de scission possible. Par contre, ceux qui n’ont jamais accepté de travailler au sein de nos structures sont libres de quitter
les FDU. Notre charte constitutive prévoit qu’une composante peut quitter les FDU si elle le désire. De même, individuellement, ceux qui veulent peuvent renoncer à leur qualité de membre. On ne
peut pas parler de scission dans les deux cas. De plus, nous nous battons pour la démocratie. Et la démocratie, c’est leur reconnaître ces droits-là. Nous ne pouvons pas la réclamer pour le pays
et refuser de l’appliquer en interne.
Est-il vrai que, par le passé, certains alliés au sein des FDU se sont retrouvés dans une alliance avec les FDLR?
C’est à ces «alliés» de répondre à cette question. Par contre, les FDU elles-mêmes n’ont jamais eu de relations avec les FDLR. Notre position est que les FDLR sont
une organisation composée de Rwandais et que donc, il est de la responsabilité de l'Etat rwandais de régler le problème de leur présence en République démocratique du Congo. Nous pensons qu’un
règlement militaire est impossible. Nous sommes pour un règlement politique. Jusque-là, le gouvernement FPR a systématiquement recouru à la force. Quand il ne rejette pas ses responsabilités en
se défaussant sur le gouvernement congolais et sur la communauté internationale. Nous pensons que cela est irresponsable. C’est pourquoi nous voulons que le Rwanda se dote d’un gouvernement
démocratique responsable qui seul pourrait engager des discussions directes avec tous les groupes armés rwandais, y compris les FDLR. La RDC pourrait par contre jouer un rôle pour faciliter de
telles discussions.
Quelle est la place de Victoire Ingabire au sein des FDU?
Victoire Ingabire Umuhoza est la Présidente des FDU. Elle fait partie du Bureau exécutif. Mais, elle ne peut exercer ses fonctions à cause de son maintien en
détention. Elle a fait montre d’un courage exceptionnel comme seules les femmes engagées en politique savent le faire. Malheureusement, certains ont tenté d’utiliser sa position pour miner les
FDU, et cela dès leur création. Elle a eu l’intelligence et le courage de ne pas céder à leurs pressions grâce à l’unité qui prévalait au sein du Bureau exécutif. Certains de ces éléments
réfractaires à l’unité ont ainsi tenté de ternir son image en diffusant sur Internet un curriculum vitae trafiqué. Une enquête interne avait indiqué que l’auteur de ce document était Charles
Ndereyehe. Ce qui avait à l’époque amené le Bureau exécutif à le suspendre de ses fonctions de représentant du RDR au Conseil politique. Mais, pour les FDU comme pour le peuple rwandais, elle
reste un symbole indiscutable de notre lutte pour l’avènement d’un Rwanda démocratique.
Comment jugez-vous le pouvoir en place à Kigali?
C’est un régime autocratique féroce dont le chef, Paul Kagame, est un criminel notoire et qui pratique une discrimination ethnique systématique masquée par un discours
pseudo-nationaliste. Les Rwandais ont le droit de vivre en démocratie. Le régime actuel ne peut confisquer ce droit sous prétexte de garantir la représentation d’une minorité ethnique ou la
sécurité nécessaire à la croissance économique. Paul Kagame est suspecté de génocide, de crime contre l’humanité, de crimes de guerre et d’autres graves violations du droit international
humanitaire. Si le Tribunal pénal international pour le Rwanda avait continué ses enquêtes spéciales et lancé des mises en accusation, conformément à son mandat, il aurait sans doute eu à
répondre de ces crimes à Arusha. Malheureusement, il continue à bénéficier de protections de la part de certains gouvernements occidentaux, d’après l’ancienne procureure de ce tribunal, Mme
Carla Del Ponte. Il est accusé d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste dans l’affaire de l’attentat contre l’avion présidentiel qui a déclenché le génocide le 6
avril 1994 et qui a décapité l’Etat rwandais et l’Etat burundais. Il est considéré par la justice française comme le principal commanditaire de cet attentat. Le tribunal pénal international pour
le Rwanda, qui est seul compétent pour connaître de ces faits, a refusé de le poursuivre. La justice espagnole le considère aussi comme commanditaire de crimes de génocide, de crimes contre
l’humanité, crimes de guerre et d’autres violations graves du droit international humanitaire, commis au Rwanda et en RDC avant et après 1994 notamment l’assassinat de six citoyens espagnols au
Rwanda dans le cadre d’une affaire impliquant 40 officiers rwandais. Il n’est protégé des poursuites espagnoles que par son statut de chef d’Etat en fonction. Le rapport Mapping rendu public le
01 octobre 2010 a détaillé les crimes dont l’armée patriotique s’est rendue coupable en RDC entre 1993 et 2003. En tant que vice-président de la République et ministre de la Défense entre
le 19 juillet 1994 et mars 2000, et en tant que président de la République et donc commandant en chef des forces armées du Rwanda de mars 2000 à 2003, il est le premier responsable du
génocide commis en RDC contre les réfugiés hutu entre 1996-1997. Pour les FDU, aucune négociation n’est possible avec lui. Par contre, le FPR est une organisation politique rwandaise qui a toute
sa place dans le Rwanda d’aujourd’hui et de demain, à condition qu’il cesse de couvrir ceux de ses membres qui se sont rendus coupables de graves crimes et qui doivent en répondre un jour devant
la justice.