Affaire Lambert Havugintwari, la piste de rapt par la police confirmée.
(Jambonews.net
01/04/2011)
Après six semaines de disparition, la police rwandaise a confirmé détenir le professeur Lambert Havugintwari dans ses
locaux.
Les rumeurs qui circulaient depuis des jours sur le net se sont confirmées. Le professeur Lambert Havugintwari, porté disparu depuis le 9 février dernier était
depuis tout ce temps victime d’une séquestration orchestrée par les services de sécurité rwandaise. Le porte parole de la police rwandaise, Supt Theos Badege, a confirmé aux journalistes de
igihe.com, que Lambert Havugintwari se trouve dans les locaux de la police de Remera, où il y est en état d’arrestation, soupçonné d’ «atteinte à la sureté de l’Etat » car il ferait « entrer des
grenades au Rwanda, les distribuer et collaborer avec ceux qui les lancent ».
Comment explique t-on que Lambert Havugintwari soit arrêté depuis près de deux mois sans que personne ni même sa famille soit mis au courant ? Arrêté depuis le 9
février à Huye (Butare) comment Lambert Havugintwari s’est il retrouvé dans une prison à Kigali ? Six semaines après son arrestation pourquoi Lambert Havugintwari n’a pas été présenté devant une
instance judiciaire pour y être inculpé ou relaxé ? Pourquoi Christine Ingabire la femme de la victime, qui a remué ciel et terre pour retrouver son mari depuis tout ce temps, n’a pas été mise au
courant de l’arrestation de son mari ? Les services de sécurité rwandaise avaient–ils l’intention de présenter Lambert Havugintwari à la justice, ou ont-ils cédé suite aux pressions des medias,
partis d’oppositions et organisations de défense des droits de l’homme ? Voilà toute une série des questions qui se posent depuis que le disparu a refait miraculeusement surface dans locaux de la
police.
En effet, Havugintwari, professeur à l’université du Rwanda a disparu depuis près de deux mois. Néanmoins, c’est seulement depuis une semaine que sa disparition a
commencé à faire la une des journaux. Cette annonce de la disparition de Havugintwari a tout de suite été suivie par des spéculations qui allaient bon train. Cependant, après que la femme de
Havugintwari a annoncé avoir aperçu la voiture de son mari au commissariat de police et que la police a refusé de s’expliquer sur la présence de cette voiture sur le lieu, elle a fait appel au
général Kagame en lui adressant une lettre. Précisément deux jours plus tard ,la présence de Havugintwari dans une prison de Kigali a été annoncé, alors que ceux qui suivaient l’affaire de près,
affirment que Havugintwari ne fait partie des détenues de la prison de Remera que depuis que la police a annoncé sa présence sur le lieu, c’est-à-dire aujourd’hui le 30 mars. Ce qui nous amène à
la question de savoir où était séquestré Havugintwari les trente huit jours séparant le 9 février au 30 mars ? Sans la prolifération de cette affaire dans les medias, le gouvernement rwandais
aurait-il reconnu détenir Havugintwari ? Le plan de départ n’était-il pas de le faire disparaitre dans la nature comme le gouvernement rwandais a souvent été accusé de le faire?
Cependant si Havugintwari a refait surface, cela ne règle toute fous pas toute ses affaires.
En effet, le professeur Havugintwari est réapparu avec une accusation sur sa tête d’atteinte à la sécurité de l’Etat et plus précisément de faire entrer des
grenades au Rwanda, accusation grave au Rwanda et passible de prison à vie. La police a même justifié cette détention prolongée par la gravité de l’accusation et les besoins de rassembler toutes
les preuves.
Quant à la question de savoir pourquoi Havugintwari n’a pas été autorisé à contacter ses proches dès son arrestation, la réponse de Supt Theos Badege, porte parole
de la police, est vague. D’une part, il avoue que la famille de Havugintwari a été mise au courant dès l’arrestation de ce dernier le 9 février, et d’autre part il se contredit en affirmant que
pour les besoins de l’enquête, et afin d’éviter la filtration des informations à la presse, ils ont du garder secret l’arrestation et la détention de Havugintwari. La police à travers son porte
parole déclare également avoir remis la voiture de Havugintwari à sa femme le 9 février juste après son arrestation, pourtant, c’est dans le courant de la semaine dernière que Christine Ingabire,
l’épouse de Havugintwari a aperçu la voiture de son mari dans la cours du commissariat de police où il allait signaler la disparition de son mari. C’est même la présence de cette voiture là et le
refus d’explication de la part de la police qui a poussé madame Ingabire à adresser une lettre à Paul Kagame lui demandant de clarifier l’affaire. Quel intérêt cette dame avait –elle d’aller
signaler la disparition d’un homme dont elle connaissait la localisation ?
Cela fait des mois que la ville de Kigali est le théâtre d’une série d’attaques à la grenade, « tentatives de déstabilisation » selon les autorités qui attribuent
ces attaques à l’opposition en exil, notamment à Kayumba Nyamwasa ancien bras droit du président Paul Kagame qui s’est exilé en Afrique du Sud après des brouilles avec ses ex compagnons d’armes.
L’opposition de sa part et plusieurs medias comme les sites KongoTimes.info et umuvugizi, soupçonnent le régime de Paul Kagame d’être à l’origine de ces attentats à la grenade qui ont déjà fait
des morts et plusieurs blessés. D’après les opposants en premier ligne les anciens proches de Paul Kagame comme Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’Etat major et Théogene Rudasingwa , ancien chef de
cabinet de Kagame, et mêmes certains medias nationaux et internationaux comme les sites leprophete.fr, allAfrica.com , Afriqueredaction.com et africaglobalvillage.com, le régime de Kigali
monterait ces attaques pour ensuite les attribuer à l’opposition, ce qui donnerait au régime les moyens de, non seulement porter atteinte à la crédibilité de l’opposition, mais aussi de museler
celle dernière. Nombreux observateurs se demandent comment, la capitale rwandaise considérée comme l’une des villes les plus sûres du monde, où les services de sécurité sont omniprésents, les
semeurs de troubles arrivent à y pénétrer au point d’y lancer des grenades. Les défenseurs de cette dernière thèse pensent que derrière l’arrestation de Havugintwari se cache une volonté du
régime d’accroitre son oppression envers ceux qui le critiquent. Cependant ce qui est étonnant c’est que Havugintwari n’était pas classé parmi ceux qui se montrent hostiles envers le
régime.
Ce qui nous amène à une autre thèse défendue notamment par le journal Umuvugizi. D’après ce journal (Umuvugizi), Havugintwari a été arrêté afin de servir
d’accusateur contre Kayumba Nyamwasa, Karegeya et Ingabire. Pourquoi le choix s’est porté sur Havugintwari ? Selon toujours Umuvugizi, Havugintwari est un intellectuel connu dont le témoignage
peut s’avérer crédible, en plus du fait que ces derniers temps il a fait des études en Afrique du Sud, où justement sont refugié Kayumba et Karegeya. D’autres rumeurs circulant sur le net
soulignent que Havugintwari aurait été kidnappé par les services de sécurité rwandais dans le but de l’assassiner, mais que, suite à la prolifération des informations mettant en cause directement
les autorités de Kigali, ce projet d’assassinat a du être abandonné. Pour justifier l’arrestation et la séquestration, les services policiers devaient donc inventer une accusation.
Nous rappelons toute fois que cette arrestation de Havugintwari n’est pas un fait isolé. En effet, elle intervient dans une période où des arrestations, répressions
et une série d’intimidation ont été signalées surtout dans la préfecture de Cyangugu, d’où est originaire Havugintwari. Le parti d’opposition FDU Inkingi a également signalé et dénoncé ces
derniers jours une vague d’arrestations suivi de disparitions au Rwanda.
Si le Rwanda se félicite souvent des progrès qu’il a réalisé en matière de démocratie et de bonne gouvernance, la séquestration de Havugintwari pendant plus d’un
mois et demi, et l’escalade de la violence et de la répression que connaît le pays maintenant, semblent cependant démontrer le contraire. Visiblement, le respect des droits de l’homme est un luxe
que le pays des mille collines peine à s’offrir.
Par Jean Mitari
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