Affaire Kayumba Nyamwasa: la compétence du Ministère de l'intérieur se termine là où le territoire espagnol s'arrête
Source: Cortes Generales, Diario de Sesiones Senado, Comision de Interior, pp25-28
(traduit par E. Shimamungu, http://wwww.éditions-sources-du-nil.fr/)
Réponse du gouvernement espagnol
- Questions sur les mesures à prendre par le Ministère de l’intérieur pour faire respecter le mandat d’arrêt contre 40 hauts responsables du FPR décrété par le juge de la Audiencia Nationale. (681/001791)
AUTEUR: MAS I Sampol, PERE (GPMX).
M. LE PRÉSIDENT: Mesdames et messieurs, Mr le Secrétaire d'État, le comité reprend avec le deuxième point du jour, à savoir la réponse du gouvernement aux questions suivantes: d'abord, des questions sur les actions à entreprendre par le ministère de l'Intérieur pour faire respecter le mandat d'arrêt contre 40 hauts responsables du FPR, délivré par un juge de l'Audiencia Nacional.
Pour formuler la question, je demande au sénateur Sampol.
M. Sampol MAS I: Merci, monsieur le Président.
Je n'ai pas participé aux débats sur le point précédent, je profite ainsi de cette occasion pour remercier Monsieur le Secrétaire d'État de son explication,
Comme vous le savez, le juge Fernando Andreu de l'Audience nationale, suite à une ordonnance en date du 6 Février 2008 sur les charges de crimes graves de génocide, crimes contre l'humanité et de terrorisme, a émis un mandat d'arrêt provisoire contre 40 hauts responsables du Front patriotique rwandais. Dans le même ordre, le juge a identifié les auteurs ou les instigateurs de l'assassinat de neuf ressortissants espagnols. Le 10 Mars 2010, en demandant que soient formulées par écrit, les mesures qui seraient prises par le Ministère de l'Intérieur pour faire appliquer le mandat d'arrêt délivré par le juge Andreu, j'ai reçu bien plus tard une réponse écrite qui est une simple évidence, selon laquelle le ministère de l'Intérieur répond aux ordres judiciaires dans leur intégralité et que, par conséquent, les prévenus devront être mis à la disposition de l'autorité judiciaire. Ainsi, si un juge rend une ordonnance, l’arrestation et la détention figurent parmi les étapes de la procédure. Heureusement, nous n'avons pas de Guantanamo. C'est pourquoi je pose toujours la question de savoir pourquoi, après tout ce temps, aucune arrestation n'a été effectuée alors que certains prévenus se trouvent à l’extérieur du Rwanda.
Merci beaucoup, Monsieur le Secrétaire d'État.
M. LE PRÉSIDENT: Merci, Votre Honneur. Pour répondre à votre question, je donne la parole au Secrétaire d'État.
Monsieur le Secrétaire de la Sûreté de l’état (Camacho Vizcaino): Merci, monsieur le président.
Merci, Votre Honneur, pour la question. Dans ce cas, le ministère de l'Intérieur doit appliquer la décision du tribunal, notamment l'ordonnance rendue par la Cour pénale centrale n ° 4 de l'Audience nationale, le résumé 3 / 2008. Comme sa seigneurie l’a mentionné, cet ordonance comprend le mandat d'arrêt contre 40 personnes du FPR. En ce sens, nous avons procédé à la diffusion internationale de 40 mandats d'arrêt internationaux contre tous les prévenus, bien que jusqu'à présent, seul un mandat d'extradition pour les crimes de génocide a été émis contre Faustin Nyamwasa Kayumba, le seul, à ce jour, à être localisé par Interpol – je dis bien localisé par Interpol à travers le monde, dans la mesure où nous avons traité des mandats d'arrêt internationaux – en Afrique du Sud.
Plus concrètement , suite au mandat d’extradition, le Bureau central national d’Interpol à Madrid, la Unidad de Cooperación Policial Internacional faisant partie du Cuerpo Nacional de Policía, a entrepris les actions suivantes : suite au mandat d’arrêt émis par le juge d’instruction contre Faustin Nyamwasa Kayumba, une procédure a été entamée par Interpol par la diffusion des avis de recherche en vue de son arrestation. Interpol – je veux dire en tant qu'institution, et non l’Interpol d’Espagne - n’a pas accepté cet ordre devant les arguments émanant des autorités rwandaises, fondés sur l'article 3 de la constitution d'Interpol, selon lequel l'organisation ne doit pas s’impliquer dans des actes de nature politique, religieuse, raciale ou militaire. Après de nombreux arguments, et de contre-arguments ainsi que des contacts avec le Secrétariat général d'Interpol, la position du Rwanda a évolué et un nouveau mandat d’arrêt international a été émis par la Cour criminelle centrale pour les crimes de génocide, crimes contre l'humanité contre le peuple et les biens protégés, en cas de conflit armé, de terrorisme et de torture. Le mandat a été distribué à tous les Etats membres d'Interpol, confirmé dans sa validité depuis le 24 Mars 2009 dans la base de données d'Interpol.
En date du 4 mars 2010, le Tribunal a demandé aux autorités sud-africaines des informations sur la présence de Kayumba Faustin dans le pays, et qu’en cas de réponse positive elles puissent procéder à la détention préventive en fonction du mandat d’arrêt international de Mars 2009 dont j'ai parlé.
Le 16 Mars, 2010 Interpol-Pretoria a indiqué qu'il n'était pas recherché par l'Espagne en Afrique du Sud, et qu’il ne savait pas que Kayumba Nyamwasa est entré dans le pays à partir du Kenya muni d’un passeport diplomatique. Il faut signaler également que la France et le Rwanda avaient émis des des mandats d’arrêt internationaux contre le prévenu.
Le 12 avril 2010 nous avons relancé l’avis de recherche de Faustin Kayumba et Interpol-Pretoria a répondu le 25 mai suivant qu’il n'avait pas encore été localisé.
Le 19 Juin 2010 Interpol-Pretoria a indiqué que M. Kayumba était dans un hôpital à Johannesburg après avoir été fusillé, de sorte que le lendemain, notre bureau d'Interpol a réitéré la demande par le mandat international délivré par le tribunal central. En même temps que l'envoi du mandat d'arrêt international en espagnol avec traduction en anglais, une photographie du prévenu a été demandée.
Le 22 Septembre 2010 Interpol-Pretoria a été informé que le Gouvernement d'Espagne, le Conseil des Ministres a demandé l'extradition du prévenu, ainsi que la date à laquelle il pourrait être livré à l'Espagne.
Le 14 Mars 2011, la demande a été faite, encore une fois, à Interpol-Pretoria, de donner des informations sur l’état de la procédure d’extradition vers l’Espagne de Faustin Kayumba, mais jusqu'à présent, il n’ y a aucune réponse ; il reste donc à savoir les modalités actuelles d’extradition.
En bref, Votre Honneur, à l’époque où le tribunal a rendu l'ordonnance, nous avons fait ce qu’il fallait faire dans cette situation : transmettre via Interpol, les mandats d’arrêt internationaux , et une fois que l’une des personnes poursuivies a été localisée, nous avons procédé aux formalités visant à obtenir l’extradition de ce prévenu. Par conséquent, je crois, même s’il peut y avoir une erreur ou une omission, que le ministère de l'Intérieur a fait tout ce qu'il pouvait faire dans une enquête judiciaire pour se conformer à la décision du tribunal et informer les autorités internationales de l'existence d’un mandat d'arrêt international. Pour l'instant nous avons eu de la chance par rapport à cette personne visée par le mandat, localisée en Afrique du Sud.
M. LE PRÉSIDENT: Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
Pour une deuxième intervention, je demande le sénateur Sampol.
M. Sampol MAS I: Merci, monsieur le président.
Merci pour votre explication détaillée, Monsieur le Secrétaire d'État. En effet, je comprends et je félicite le gouvernement à propos de la décision du Conseil des ministres – je pense que c'est au mois de Septembre – de demander l'extradition de Kayumba Nyamwasa. Mais ce qui m’inquiète ce sont les postes occupés par certains des 40 prévenus liés directement à l’assassinat des neuf ressortissants espagnols. Par exemple, lorsque l’ordonnance est sortie – en février 2008 - Kayumba Nyamwasa était ambassadeur en Inde, lorsqu’il a eu des problèmes avec le président rwandais, il s’est exilé et a demandé l'asile politique en Afrique du Sud. Tandis que Karenzi Karake, général de brigade, avait été nommé commandant adjoint de l'Opération conjointe des Nations Unies et de l'Union africaine au Darfour. L’un des prévenus de crimes graves contre l'humanité prenait la tête d’une opération de l'Organisation des Nations Unies. Un autre prévenu, le colonel Eric Murokore, avait été localisé dans la région du Kivu en République démocratique du Congo. Tandis qu’un autre, le lieutenant-colonel Rugumya Gacinya est un attaché militaire à l’Ambassade du Rwanda aux États-Unis, c'est à dire qu’il occupe un poste à l'ambassade aux Etats Unis. Donc, excusez-moi, mais je suis profane dans ce domaine et ne comprends pas comment, si le juge, dans certains cas, pas 40, est capable d’identifier les postes que les prévenus occupent, en Inde, au Darfour, aux Nations Unies, aux États-Unis, pourquoi Interpol ne procède pas immédiatement aux arrestations?
Ensuite, il est de mon devoir de présenter mes préoccupations au sujet d’un événement qui s'est passé il ya quelques semaines, et publié par le quotidien 20 minutes, à savoir les cinq câbles révélés par Wikileaks, dans lequel il semble qu'il y ait eu des pressions de la part des autorités américaines ainsi que des autorités espagnoles par rapport à cette ordonnance. Il est inquiétant que les Etats-Unis soient manifestement protecteurs du régime rwandais de Paul Kagame. Certains propos rapportés du procureur de l’Audiencia Nacional laissent entendre que le gouvernement ne soutient pas cette ordonnance judiciaire, qu’il ne va pas faire d’investigation et qu’il ne demandera pas l’extradition des prévenus.
Très heureusement, l'année dernière, la demande d'extradition d'un accusé a été formulée. Et même, y compris les câbles qui se croisent, il est conseillé au Rwanda de faire valoir que l’ordonnance répond à des motivations politiques que le gouvernement espagnol ne partage pas. C'est ce qui a été révélé par Wikileaks.
Ce qui me préoccupe dans cette affaire, j’en ai discuté plusieurs fois avec l’ancien Ministre des affaires étrangères qui ne soutenait pas cette ordonnance. J'ai même dit au Parlement que le tribunal compétent est le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Mais comme vous le savez, ce tribunal a été créé uniquement pour enquêter sur les crimes commis entre le 1er Janvier 1994 au 31 Décembre 1994. Or 8 des 9 citoyens espagnols ont été tués avant ou après 1994 et, par conséquent, la Cour pénale internationale n'a pas compétence pour enquêter sur ces affaires, c’est de la compétence de l’Audiencia Nacional.
Je voulais simplement obtenir la confirmation que le gouvernement travaille de concert avec la loi. Je vous remercie pour l'information qui m'a été fournie. Et j'espère pouvoir dire que ces câbles de Wikileaks ne correspondent pas à la réalité et qu’en fin de compte, en tant que responsable de la conformité avec cette ordonnance de la cour, vous allez tout faire pour arrêter ces assassins, ces véritables génocidaires. Je reste néanmoins perplexe qu’aucune action n’ait été entreprise, alors que le juge pouvait indiquer où se trouvaient quatre ou cinq des prévenus.
Je vous remercie beaucoup.
M. LE PRÉSIDENT: Merci, Votre Honneur.
La parole est au Secrétaire d'Etat.
Monsieur le Secrétaire de la sûreté de l'état (Camacho Vizcaino): Merci, monsieur le président.
Votre Honneur, la compétence du ministère de l'Intérieur se termine là où le territoire espagnol s’arrête. C'est, bien qu'il y ait un mandat d'arrêt international, mais il n'est pas possible de transporter la police espagnole aux États-Unis ou au Congo pour arrêter quelqu'un. Le système est ainsi convenu.