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 Editions Sources du Nil  : Livres sur le Rwanda, Burundi, RDCongo

Le pont Kinshasa-Brazzaville: une leçon d'histoire

18 Juillet 2009 , Rédigé par Editions Sources du Nil Publié dans #Histoire - politique


Projet site Standley Longueur: 2100m Sol: plaque de grés peu profonde Courant puissant à l'entrée des rapides Connections ferroviaires directes sur les tracées existants.

Le pont Brazzaville–Kinshasa est un projet de construction de pont route-rail sur le fleuve Congo, reliant le Congo-Brazzaville au Congo-Kinshasa (RDC) au niveau de leur capitale, Brazzaville et Kinshasa. Près de 4 km séparent les deux villes. Le projet d'un tel pont fut conçu en 1991. Des études sont financées mais le projet tombe finalement à l'eau suite au manque de paiement et aux différents problèmes internes que les deux pays connaissent. [1] Un tel pont permettrait de relier Kinshasa au port en eau profonde de Pointe-Noire en une seule ligne ferroviaire.

En 2003, la Cellule d’infrastructures de transport, qui coordonne les projets routiers en Afrique centrale en coopération avec l’Union européenne, reprend l'idée et propose un nouveau site, en aval des capitales, où le fleuve s'étend sur 500 m. Les experts estiment le coût de construction entre 40 et 80 millions de dollars US. [1]

Sources Wikipédia



Une leçon d'histoire
par Ngimbi Kalumvueziko

À sa première rencontre à Bruxelles avec le roi des Belges Léopold II, Stanley avait laché cette phrase passée à la posterité : « Sans chemin de fer, le Congo ne vaut pas un centime ». C'était en 1878. Une année auparavant, en 1877, il venait de réussir l'exploit à l'époque, d'avoir traversé le centre de l'Afrique dans sa plus large partie, de l'Est à l'Ouest, en descendant le fleuve Congo jusqu'à son embouchure. Stanley avait réalisé que pour ouvrir le vaste bassin du Congo au monde extérieur, et draîner ses immenses richesses vers les marchés européens, il fallait absolument construire un chemin de fer afin de relier le bief maritime du fleuve Congo qui s'arrête à Matadi au Stanley Pool (Kinshasa), d'où le fleuve devient naviguable sur 1.700 kilomètres jusqu'à Stanley Falla (Kisangani), constituant ainsi un vaste réseau de navigation fluviale avec les grandes rivières qui s'y déversent. Pour réaliser cette vision,
Léopold II désigna Albert Thys (dont une ville congolaise, Thysville-aujourd' hui Mbanza-Ngungu- fut baptisée en son nom) pour conduire les travaux du chemin de fer. Mais alors que les études avaient démontré que deux tracés (le tracé Nord sur la rive droite du fleuve passant par le territoire revendiqué par la France, et le tracé Sud passant par les possessions portugaises en Angola) étaient les plus indiqués techniquement et financièrement, Léopold II décida de faire passer le rail à travers les chutes de Yalala en amont de Matadi et sortir le rail des hautes falaises rocheuses qui entourent Matadi. Ceux qui ont déjà emprunté le train Kinshasa-Matadi doivent certainenement se souvenir des frissons ressentis à l'approche de Matadi quand le train roule sur les rails accrochés sur une falaise abrupte descendant droit dans le fleuve. Un pari fou!
Pourquoi donc Léopold II avait-il opté pour la solution la plus difficile et la plus coûteuse? En Europe, on donnait très peu de chances à un tel projet. Mais avec opiniâtreté, une grande détermination et un entêtement sans pareil, Léopold II et Thys s'étaient lancés dans l'entreprise, mobilisant des fonds toujours importants, et recrutant des travailleurs partout ils pouvaient en trouver, comme en Afrique de l'Ouest, et même en Chine! Les natifs de la région, les Bakongo, étaient rétifs au travail et n'étaient pas qualifiés.On connaît le coût du projet ; des centaines de millions de francs belges de l'époque, et environ 5000 morts. Quand en mars 1898, la première locomotive conduite par Nicolas Cito (le camp des travailleurs de l'OTRACO aujourd'hui ONATRA, fut baptisé en son nom, Camp CITO, aujourd'hui Camp Kauka à Kinshasa), entra en gare de Léopoldville, une nouvelle page de l'histoire du Congo venait de s'ouvrir. Léopod II avait réussi son audacieux pari. Pourquoi avait-t-il pris d'aussi importants risques financiers et choisi la solution la plus difficile? C'est qu'il tenait à s'assurer du plein contrôle du trafic. Une question d'indépendance !
Un peu plus d'un siècle après, la même question semble se poser avec le projet de construction d'un pont sur le fleuve entre Kinshasa et Brazzaville. À l'évidence, la première conséquence de ce projet sera le détournement du trafic vers le port de Pointe-Noire au Congo-Brazza, qui, par rapport aux ports maritimes congolais de Boma et Matadi, a l'avantage d'être plus performant, et d'offrir de grandes possibilités d'extension. Avec le temps, les ports maritimes congolais deviendront obsolètes, réduisant d'autant l'importance du chemin de fer Kinshasa-Matadi. L'ambitieux programme d'équipement du Bas-Congo (OEBK et ZOFI) risquera également d'être ajourné sinon remis aux calendes grecques. Ce programme, rappelons le, prévoit notamment l'électrification du chemin de fer pour accroître sa performance (vitesse et capacité de transport), le prolongement du chemin de fer jusqu'à Moanda en utilisant l'actuel pont route/rail sur le fleuve à Matadi, la construction d'un port en eau profonde à Banana, et d'une zone industrielle à Moanda-Banana où pourront être installées des industries grosse consommatrices de l'électricité produite à Inga comme celles de production d'aluminium et d'ammoniac. On sait que le projet de production d'aluminium (ALUSSUISE/ALUZAIRE ) conçu au début des années 1980, n'a pu être réalisé, et que des promoteurs américains viennent d'initier le même projet à réaliser cette-fois à Pointe-Noire, et utilisant l'électricité d'Inga!
Comme si nous manquions d'ambitions, nous préférons vendre nos ressources naturelles plutôt que de les mettre réellement au service du développement industriel, et sortir le pays de son statut de réservoir de matières premières. Nous donnons aussi l'impression de sacrifier nos ambitions légitimes de développement au nom d'une certaine intégration africaine qui jusqu'à présent semble se limiter à de simples slogans. En effet, comment peut-on croire à cette intégration quand des pays voisins, comme l'Angola, ont pris le plaisir d'expulser brutalement des ressortissants congolais, même en situation régulière? En plus, alors que l'énergie produite à Inga est à sa portée, n'est-ce pas le même gouvernement du Congo-Brazza qui entreprend la construction d'un grand barrage hydro-électrique pour garantir son indépendance énergétique?
En Europe même, des pays considérés comme alliés tiennent à l'indépendance de leurs activités de transport, surtout maritime, considéré comme un attribut de souveraineté. En effet, n'est-il pas étonnant de voir que sur une bande cotière de moins de 1000 kilomètres, des pays comme la Belgique, les Pays-Bas, la France, et l'Allemagne, disposent chacun de leurs propres ports? Anvers, Rotterdam, Hambourg, le Havre. Enfin, nous ne devons pas oublier les effets très dommageables de la longue fermeture pour cause de guerre en Angola, du chemin de fer Dilolo-Lobito, par où passaient les exportations minières du Zaire. Qui peut garantir aujourd'hui que le Congo-Brazza ne connaîtra plus des troubles politiques ou des conflits armés qui pourraient entraîner l'interruption du trafic ferroviaire Pointe-Noire/ Brazzaville? Voilà quelques élements de réflexion que j'ai voulu partager pour une meilleure appréciation du projet de pont Kinshasa-Brazza.

Ngimbi Kalumvueziko

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F
ce serait bien k'ils construisent ce pont.ça sera benefique aux habitants.
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